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grossières qu’il contenoit ; on les passe à travers un linge double & mouillé ; & cette huile sert à brûler dans les lampes. Le résidu absolument grossier est rejeté ; on le pétrit avec du son jusqu’à siccité, & on le distribue aux poules, aux cochons, &c.

Si on a une certaine quantité d’huile, il vaut beaucoup mieux se servir de bonnes barriques en bois de chêne, que de tout autre vaisseau. Dès que l’huile est tirée à clair, sans différer, il faut remplir ces barriques, les boucher avec grand soin, & les rouler dans un lieu froid, afin que l’huile se fige promptement. Si on ne se sert pas de barriques, mais de grandes cruches vernissées (mauvaise méthode), on peut attendre que l’huile soit figée, & on l’aura beaucoup plus pure, & plus dépouillée de corps étrangers. Il en est de l’huile qui se fige, comme de l’eau qui se convertit en glace. Cette espèce de cristallisation s’exécute par le resserrement des parties les plus fines & les plus atténuées les unes contre les autres, & elle précipite les plus grossières, à peu près comme l’eau de mer glacée qui n’est plus salée, ni saumâtre, mais épurée & très-bonne à boire ; opération que l’art est venu à bout d’imiter imparfaitement par la distillation. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’huile la plus transparente, avant de figer, & sans dépôt au fond du vase, en laisse un lorsqu’elle défige, & si elle est dans un vase de verre, on verra le dépôt se former pendant la cristallisation.

Je crois que l’acte par lequel l’huile se fige & se glace, s’exécute en grande partie par l’absorption de l’air, de la même manière que la cristallisation des corps fluides. L’huile figée & la glace occupent plus d’espace ; cette dernière surnage l’eau, & lorsque le tout reprend son premier état de fluidité, elle occupe moins d’espace qu’avant d’avoir cristallisé. J’attribue cette différence de volume à l’absorption de l’air atmosphérique interposé entre les parties pendant la cristallisation, & à la perte de ce même air qui a donné des ailes à celui de combinaison des corps, & en a entraîné avec lui une quantité suffisante pour que le volume du fluide soit diminué, ou peut-être par une plus grande atténuité des parties. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’huile placée dans des barriques, du moment qu’elle est défigée, fait des efforts pour se répandre au-dehors par la jointure des douves, à peu près comme le vin qui travaille & qui tend à sa décomposition. Or la décomposition des corps n’est due, ainsi que leur putréfaction, qu’à la séparation & à l’abandon de leur air fixe ou air de combinaison. Ayez un tube de verre ; remplissez-le aux trois quarts d’huile, soudez sa partie supérieure à la lampe de l’émailleur ; ayez un second & un troisième tube de verre, remplissez-les de la même manière, bouchez exactement le second avec de la cire molle, & le troisième avec un bouchon de liège fin, & vous verrez que le volume de l’huile ne diminuera pas dans le premier, un peu dans le second, & beaucoup plus dans le troisième. Après deux ou trois ans, goûtez ces huiles, vous les trouverez détériorées, en raison de la perte de leur air de