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après un long séjour, & celles cueillies sur l’arbre, ensuite accumulées les unes sur les autres, & qui ont fortement fermenté. Dès-que l’olive a fermenté, ou a commencé à fermenter en masse, l’huile est nécessairement mauvaise, en raison de son degré de fermentation. Ces assertions trouveront un grand nombre de contradicteurs, les uns de bonne foi, & les autres seulement parce qu’elles sont différentes de leur manière de voir, & le résultat d’une opération différente. J’appelle opposans de bonne foi, ceux qui sont accoutumés à manger habituellement de l’huile forte ; il n’est donc pas étonnant qu’ils trouvent très-bonne l’huile nouvelle & déjà forte. Si elle n’a pas ce goût dominant, elle ne sent rien, disent-ils ; mais l’homme accoutumé à l’huile douce & fine, & dont le palais est délicat, décide, même au pressoir, si l’huile deviendra forte par la suite, quoique conservée avec soin.

Ceux qui séparent l’huile vierge des autres produits, se flattent de l’avoir douce & agréable, puisque leurs olives ont été cueillies & choisies avec soin, & qu’elles n’ont point été amoncelées. Ils sont tout étonnés, quelques mois après, de lui trouver, dès que la chaleur commence à se faire sentir, une saveur piquante, une tendance à la rancidité ; cependant ils avoient eu raison de présumer que leur huile conserveroit sa douceur & son aménité. La surprise cessera s’ils réfléchissent que la personne qui a fait moudre avant eux, avoit des olives fermentées ; & sur-tout qu’ils ont conservé pour la dernière presse les rebuts & les olives cueillies par terre. Comme on n’a point changé de cabas, que ce sont toujours les mêmes qui servent ; que la chaleur de l’eau bouillante développe & exalte les principes du mauvais goût, & qu’elle en imprègne les cabas, il est dans l’ordre des choses que la première pâte que l’on mettra dans ces cabas, s’approprie ces principes destructeurs de la qualité, & qu’ils agissent dans la suite sur l’huile vierge, comme le levain sur la pâte. Ce que je dis des cabas, s’applique à la meule, aux piles, &c. Cela sera toujours ainsi, tant qu’on ne prendra pas le parti de lessiver tous les ustensiles de l’attelier, d’après le procédé que j’ai indiqué.

Une personne qui a la superficie des connoissances sur une multitude d’objets, par conséquent qui ne sait rien à fond, & d’ailleurs l’oracle du canton, me soutenoit que plus on jetoit d’eau bouillante sur la pâte, moins l’huile étoit amère, qu’elle ne rancissait point, qu’elle se déchargeoit plus aisément de ses parties hétérogènes qui l’embarrassent & l’entraînent en bas par sa pesanteur. Elle avoit raison, pour ce dernier cas seulement.

L’huile vierge bien faite, dont l’olive n’a pas fermenté, qui n’est pas trop mûre, qui n’a pas été exprimée après une mauvaise huile, est moins dans le cas de rancir que tout autre, ce que je prouverai bientôt en parlant de la rancidité. Il est étonnant qu’on veuille s’aveugler sur l’effet de l’eau bouillante, lorsqu’on a sous les yeux l’exemple de l’huile qu’on fait cuire : son principe volatil prend à la gorge, fait tousser, cuire les yeux, & l’huile auparavant très-douce, devient âcre