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Le moulin, proprement dit, consiste dans une meule horizontale & gissante, percée dans son milieu pour placer la grenouille qui porte un arbre vertical retenu à son sommet ou dans un large anneau fixé à une poutre, ou par un boulon de fer qui entre dans le milieu de cette poutre. À cet arbre vertical est attaché un bras de levier qui traverse la meule, & se termine au-delà par un boulon. La partie du bras de levier, de l’autre côté de l’arbre & de celui de la meule, est assez grande pour excéder de deux pieds le massif de maçonnerie dans lequel est encaissée la meule gissante ; & la partie du bras de levier qui excède ce massif, sert à attacher les traits de la mule ou du cheval qui fait tourner la meule. L’animal travaille pendant trois heures consécutives, les yeux bouchés sans quoi il tomberoit d’étourdissement causé par la marche circulaire.

La meule gissante est environnée par un plan doucement incliné, en maçonnerie, de deux pieds de largeur, recouverte par des planches épaisses, fortement clouées & liées ensemble. La hauteur de ce talus est d’environ six pouces ; un homme armé d’une pelle repousse sans cesse sous la meule la pâte qu’elle écarte en tournant, & c’est lui qui est chargé de faire marcher la mule.

Les piles ou bassins sont placés aussi près qu’il est possible & du moulin & du pressoir, parce que du moulin on porte la pâte dans les piles, & c’est sur la pile qu’on remplit successivement les cabas qui sont ensuite portés sur le moulin. C’est l’ouvrage des ouvriers destinés à tourner une ou plusieurs barres des vis du pressoir.

Enfin, un dernier homme est chargé de pomper l’eau, de remplir la chaudière, de vider l’eau bouillante dans les cabas lorsqu’on échaude, & d’entretenir le feu sous la chaudière. Ainsi, le service d’un attelier exige huit hommes, & à la grande rigueur, au moins six ; il faut encore deux mules, mulets ou chevaux.

Que l’on compare actuellement la dépense qu’entraînent ces bras avec celle d’un moulin hollandois, & l’on verra lequel mérite la préférence ?

Le prix de la mouture varie suivant le pays ; mais on peut dire, en général, que chaque mesure est payée vingt-cinq sols, ce qui fait à peu près cent sols par charge d’huile pesant environ trois cent vingt livres poids de marc. Cet argent est tout pour les ouvriers, & le propriétaire du moulin n’en prélève pas une obole. Où est donc son bénéfice, & l’intérêt de ses avances premières, car il fournit tout, excepté les mules ou les chevaux ? Qu’on se tranquillise sur son compte, il ne perdra rien ; le produit lui assure un bénéfice honnête. Les ouvriers prélèvent encore la moitié du marc à leur profit. Cette police d’attelier peut varier suivant les lieux, mais elle est assez générale. Dans quelques endroits, les ouvriers se paient de leur travail en huile, & c’est plus raisonnable dans un sens, parce qu’il est de leur intérêt de retirer autant d’huile qu’ils peuvent du marc, au lieu qu’il est de leur intérêt de multiplier les pressées, parce qu’il leur importe très-peu qu’il reste beaucoup d’huile dans le marc. Reprenons la suite de l’opération.