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leur donne de mauvais goût ; pour plus de précaution je voulus me convaincre, de la manière la plus certaine, qu’il ne restoit plus d’alcali dans les ustensiles dont je devois me servir. À cet effet, je fis dissoudre environ deux livres d’alun, pour la même quantité d’eau indiquée ci-dessus, &, lorsque le tout fut bouillant, on opéra cette fois comme à la première. L’alcali suit la loi des affinités, il s’unit à la surabondance d’acide de l’alun qui est un sel neutre, le neutralise, & le tout est entraîné par l’eau bouillante, versée ensuite à grands flots après qu’on a fortement frotté, gratté, brossé & balayé pendant l’action de l’eau alunée. J’ai préféré ce sel à tous les autres, non-seulement à cause de son bas prix, mais parce qu’il est insoluble dans l’huile ; & dans la supposition qu’il en restât quelques parcelles, elles se précipiteroient au fond du vase avec le mucilage. De cette opération, en général, il est impossible qu’il en résulte aucun inconvénient ni pour la santé des hommes ni pour la qualité de l’huile. Quant aux cabas, on fera bien, à chaque lotion, soit d’eau simple bouillante, soit aiguisée par les sels, de les mettre sur le pressoir & de faire donner une bonne serre. Cette précaution est indispensable après le lavage aluné, parce que cette eau détruit le nerf du spart, & les cabas ne durent pas autant qu’à l’ordinaire. Le dernier lavage à l’eau simple & bouillante, ne laisse plus d’alun, & l’intérêt du propriétaire du moulin n’est pas lésé. Celui qui fait moudre, au contraire, n’y perdroit pas, puisque, si on ajoute un peu d’alun aux olives, on en exprime mieux l’huile qu’elles contiennent. J’annonce cette vérité avec une certaine répugnance, dans la crainte qu’elle ne serve à la fraude.


Section IV.

Des procédés ordinaires pour faire l’Huile.


§. I. Des Huiles de graines.


I. Manière des hollandois. En tout ce qui concerne la propreté, l’économie dans la main-d’œuvre, la supériorité dans la fabrication, & ce qu’on appelle, le savoir tirer parti des choses, ce peuple industrieux & patient doit servir de modèle. Il calcule la dépense de construction de ses machines, ajoute à la masse les intérêts, & ensuite il additionne au plus bas ce qu’un moulin doit rendre. Pour peu que le bénéfice soit décidé, la machine est construite ; & si on lui présente le modèle d’une machine plus parfaite & plus économique de la main-d’œuvre, il abandonne la première, & ne dit pas froidement, comme les françois : elle est bien compliquée ; nos pères se servoient de celles dont nous nous servons, les nôtres sont assez bonnes, &c. Voilà comme tout reste en stagnation, & comme la majeure partie de nos provinces est en arrière de plus d’un siècle de l’Angleterre & de la Hollande, relativement aux connoissances pratiques dans les arts les plus utiles & les plus familiers. En France, rien ne se fait qu’à force de bras ; en Angleterre & en Hollande les machines font tout.

Pour bien entendre ce que je vais dire, il faudroit avoir sous les