Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/570

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’aridité du sol, soit par le défaut de pluie de la saison, on les laisse un plus grand nombre de jours que lorsqu’elles sont mûres ; les premières achèvent de mûrir, & les secondes se ramollissent & rendent plus d’huile. Il vaudroit mieux, ainsi que je l’ai dit, laisser les premières sur l’arbre, & si les dernières sont bien sèches, on aura à coup sûr une huile déjà altérée dans le fruit. Si l’on compte la qualité pour quelque chose, ces espèces d’olives ne doivent pas être mélangées avec les autres, mais soigneusement mises à part, puisque, outre leurs mauvaises qualités déjà acquises, elles en contractent de nouvelles lorsqu’elles sont accumulées pendant trop longtemps. La chaleur & la fermentation gâtent tout.

Soit que l’on cueille les olives à la main, soit qu’on les gaule, il faut avoir grand soin d’en séparer les feuilles ; elles donnent à l’huile une amertume désagréable, & qui n’est point cette petite amertume du fruit, dont l’huile se dépouille en vieillissant : d’ailleurs, elle n’est point désagréable, excepté pour le plus grand nombre des parisiens, & des habitans de quelques-unes de nos provinces, qui n’aiment les huiles que lorsqu’elles n’ont aucun goût dominant ; aussi préfèrent-ils, ce qu’on appelle huiles fines d’Italie, lesquelles sont, à mon avis, fort plates. Quant à moi je m’en tiens à celles d’Aix par-dessus toutes, & à celles que je fais lorsque la saison est bonne ; car elle influe d’une manière aussi marquée sur la qualité de l’huile que sur celle du vin. Les olives peu mûres donnent trop d’amertume, & de celles trop mûres on retire une huile trop grasse, trop mucilagineuse, qui se conserve peu & rancit plus facilement que les autres, quoique bien faite.


Section III.

De la préparation de toutes espèces d’ustensiles qui doivent servir à la fabrication, soit de l’Huile de graine, soit de noyaux ou de fruit.


Dans la Flandre françoise & autrichienne, & dans la Hollande surtout, on fabrique, pendant toute l’année, de l’huile tirée des graines. Un pressoir à huile se ressent de la propreté extrême des habitans : chaque chose est à sa place, rien ne traîne ; le service se fait avec aisance, & de quelque côté qu’on promène ses regards, on ne voit ni poussière, ni malpropreté. Quel contraste de ces moulins avec ceux de France ? Ceux-ci sont tapissés de toiles d’araignées, la crasse accumulée depuis la première fabrication incruste, revêt toute la surface des pilons, des meules, des pressoirs ; les mesures, les cuillers, la patelle pour lever l’huile, sont en cuivre, & ce cuivre ne se connoît que par le vert de gris qui le recouvre. Je n’exagère point, je peins d’après nature. Le magistrat met à l’amende le particulier qui ne balaye pas devant chez lui ; il est surprenant qu’il ne porte point la même vigilance sur un objet qui intéresse autant la santé du citoyen. Plusieurs villes ont, ou se sont attribué le droit de mesurer l’huile qui se vend, & les mesures sont déposées à l’hôtel de-ville, Le corps municipal entier les voit, & les laisse subsister dans cet état ! J’admire cette étonnante