Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi, jusqu’à ce qu’elles commencent légèrement à le rider, & c’est l’affaire de vingt-quatre ou quarante huit heures, suivant la saison & la maturité du fruit. On les laisse ainsi se rider, afin que la meule les réduise mieux en pâte. Lorsque le fruit a le degré de maturité convenable, il vaut beaucoup mieux le porter tout de suite de l’arbre au moulin : on retire moins d’huile, j’en conviens, mais elle est plus parfaite, & je certifie le fait d’après ma propre expérience. Cette méthode peut-elle être adoptée dans tous les pays à oliviers ? oui, sans doute, sans exception aucune, dès que l’opiniâtre préjugé saura se rendre à la conviction.

On objectera, sans doute, les différentes maturités des olives ; on dira que les premières mûres doivent attendre les secondes qui font le plus grand nombre suivant les cantons, & ces secondes attendre les troisièmes. Qu’arrive-t-il de ce mélange ? précisément ce qui arrive à la vendange d’une vigne de cépages différens, soit en espèces, soit en maturité. Cette bigarrure tue la qualité ; il est bien plus facile de cueillir séparément chaque espèce d’olive que chaque espèce de raisin. Cueillez donc les différentes espèces à part, à l’époque fixée par la maturité du fruit, & portez successivement ces espèces au moulin, pour en avoir l’huile à part.

Je sais que telle espèce donne une huile grasse ; & l’autre une huile fine, ou parfumée, ou colorée, &c. ; qu’il résulte du mélange de quelques espèces, une huile plus parfaite, & qui se conserve plus long-temps ; mais rien n’empêche, que lorsque ces huiles séparées auront déposé leur marc, au moins en grande partie, on ne les mêle, on ne les coupe dans des proportions connues. Si des propriétaires intelligens suivoient ce procédé, s’ils ne se contentoient pas de marier des huiles d’olive d’espèces différentes, & s’ils faisoient des mélanges d’huiles de différens terroirs, & préparées avec soin, je suis sûr qu’ils parviendroient à avoir des huiles d’une qualité infiniment supérieure à celles qu’ils ont communément : c’est ainsi que le célèbre abbé Godinot de Rheims, étoit venu à bout d’avoir des vins de Champagne d’une qualité infiniment supérieure & hors de rang. Si je n’étois pas soumis à la fatale nécessité des moulins banaux, où je n’ai pas la liberté de presser quand je le veux, ni comme je le veux, je me serois occupé de ces mélanges ; & je dirois aujourd’hui quelque chose de positif sur ce sujet. J’invite ceux qui les ont à leur disposition, à suivre ce genre de travail, & à avoir la complaisance de m’en communiquer le résultat, j’en ferai mention au mot Olivier, où je parlerai de beaucoup d’objets qui ne peuvent entrer dans l’article que je traite, sans en déranger la marche.

La cueillette séparée des olives, au moins suivant les époques de leur maturité, n’entraîne pas à de plus grands frais que la cueillette générale.

On se règle communément (ceux qui ont des prétentions à faire de la bonne huile) sur la qualité des olives, pour l’intervalle de temps qu’elles doivent rester accumulées. Si elles sont vertes ou sèches, soit