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& le troisième au moment de semer. On doit choisir, autant que faire se peut, des jours favorables au labourage, c’est-à-dire que la terre ne soit pas trop mouillée ; ce seroit plutôt la paîtrir que la labourer. Si le fumier destiné aux haricots est bien consommé, on doit le jeter sur terre lorsqu’on va donner le second labour ; s’il est pailleux & peu fait, il sera enfoui au premier labour, afin qu’il soit consommé au temps du semis, & que le mélange de ses principes avec ceux du sol ayent eu le temps de former la combinaison savonneuse dont j’ai si souvent parlé. (Voyez les mots Amendement, Engrais, & le dernier Chapitre du mot Culture). C’est donc à tort qu’on conseille de fumer au troisième labour ; la plante se ressentira très-peu de son secours, & le fumier commencera à agir lorsque la plante aura déjà pris presque tout son accroissement. Je conviens que l’engrais ne sera pas perdu, puisque la combinaison sera faite, & la récolte suivante du blé en profitera, mais ce n’étoit pas le premier but du cultivateur. L’emploi tardif du fumier entraîne après lui un grand inconvénient si l’année est sèche ; car loin d’être utile dans ce cas, il brûle tout. Si la position où je me trouve me permettoit de cultiver les haricots en pleine terre, je ne balancerois pas à jeter l’engrais en octobre ou novembre, & l’enfouir par deux bons labours croisés ; il auroit au moins le temps de se décomposer & de recombiner ses principes avec ceux de la terre ; mais dans le bas-Dauphiné, la basse-Provence, le bas-Languedoc, la chaleur & la sécheresse sont trop actives ; tout seroit calciné, & sur dix années, à peine auroit-on une bonne récolte. Il n’en est pas ainsi dans plusieurs parties du Roussillon, de la Guienne, du Languedoc, & quoique les chaleurs y soient vives & fortes, il y pleut assez souvent & en assez grande quantité. Ces pluies salutaires, bienfaisantes & conservatrices, tiennent à la position du lieu ; (Voyez en la cause dans les Chap. des bassins & des abris du mot Agriculture). Ainsi, la culture en grand des haricots tient au local, & avant de l’entreprendre, on doit bien l’étudier, le connoître & commencer par des expériences en petit ; si on ne réussit pas, l’amendement & les labours ne seront pas perdus, le blé que l’on sèmera au mois de septembre, octobre ou novembre suivant (relativement au climat), en profitera.

Le plus communément on choisit l’année de repos des terres, ou jachères pour la culture des haricots, & le blé réussit très-bien après, surtout si on a fumé en février ou en mars, parce que l’engrais n’a pas eu le temps d’être absorbé par les haricots. Plusieurs particuliers habitans des villes ou des gros bourgs, qui ne veulent pas se livrer à cette culture, cèdent leurs champs à de pauvres habitans, des journaliers, pendant l’année de jachère, à condition qu’ils les travailleront, les fumeront largement, & y sèmeront des haricots ; ils divisent leurs champs par parcelles, & plus ils sont divisés, plus on est assuré qu’ils sont bien cultivés & engraissés, de manière que la récolte des blés de l’année suivante est toujours belle. Je voudrois que cette méthode devînt plus générale dans le royaume, le propriétaire y gagneroit évidemment, & le pauvre