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abondans, & qu’il faut trois de ces tombereaux pour en faire un de fumier bien consommé, on trouve qu’il n’y a aucune proportion entre la mise première & le produit, puisque la livre de haricots en primeur ne sera pas vendue plus de cinq à six sols. À moins d’être très-riche, c’est une folie d’y songer. Il vaut beaucoup mieux employer le fumier sur les terres. Cependant, si on veut à peu de frais se procurer des primeurs, il faut choisir un bon abri, avoir des pots de terre non vernissés, mais peints en noir & à l’huile. Ils absorberont infiniment plus de chaleur que les pots ordinaires en terre cuite, & beaucoup plus que ceux qui sont vernissés, parce que leur surface unie & luisante réfléchit la chaleur. D’ailleurs, une petite masse est bien plutôt échauffé qu’une grande, des bourrées de paille longue jetées sur ces vases au soleil couchant, empêcheront en grande partie la déperdition de la chaleur pendant la nuit.

Les cultivateurs moins pressés de jouir, auront une jouissance plus parfaite, puisque les légumes en seront meilleurs.

Les cultivateurs de nos provinces les plus méridionales peuvent, absolument parlant, semer à la fin de février ; dans celles moins méridionales, en mars, & dans celles du nord, en avril & mai. Ces époques sont, je le répète, subordonnées aux climats ; mais il est constant qu’il y a deux mois de différence, par exemple, entre Marseille, Montpellier, Lille & Arras, &c, dès qu’il s’agit des semis en pleine terre des plantes délicates originairement étrangères.

Quelques auteurs conseillent de donner trois labours au sol destiné aux haricots ; un avant l’hiver, le second après l’hiver, & le troisième au moment de semer. Ce précepte est excellent, lorsqu’il s’agit de la culture en grand & en plein champ ; mais il est déplacé s’il s’agit d’un jardin potager. La terre y est trop précieuse, sur-tout si on en est le fermier, & elle sera occupée plus utilement par les plantes hivernales. Dès que c’est un potager en règle, il est clair que la terre en est amendée de longue main, qu’elle est meuble. Il suffit donc de ne pas épargner le fumier bien consommé, & de donner un fort labour à la bèche, & de semer aussitôt. (Voyez les mots Bêche & Engrais}.

On sème le plus communément les haricots nains en bordure, & les grimpans en planches ou même en carreaux entiers ; cela dépend de la quantité qu’on le propose de consommer ou de vendre, soit en vert, soit en sec. Les uns sèment en sillons, grains à grains, & les recouvrent d’un à deux pouces de terre, & les sillons sont espacés de six pouces ou d’un pied, lorsqu’on est obligé d’arroser par irrigation, (voyez ce mot) ainsi que cela se pratique dans les provinces méridionales. Après le troisième ou le quatrième fillon, suivant le diamètre de leur largeur, on laisse l’espace d’un fillon vide, qui sert de sentier ou de petit chemin, destiné à faciliter de la cueillette des haricots en vert. Il deviendrait inutile si on devoit seulement les récolter secs, & qu’on ne fût pas dans le cas de les arroser de temps à autre.

D’autres les sèment en échiquier, & ouvrent des petites fosses de 18 à 24, pouces de distance de l’une à