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Il y a deux manières de semer sur ces couches, ou en les chargeant de six à huit pouces de terre bien meuble, ou en enterrant, sur la surface de cette couche, des pots dans lesquels on sème les haricots. Cette seconde méthode est préférable à la première, parce que la replantation retarde les progrès de la plante, & il en périt beaucoup dans cette opération ; il est aisé de s’en convaincre. Avec les pots, au contraire, lorsqu’on les a arrosés la veille, la terre se trouve serrée contre les racines, & en les renversant doucement, la terre s’en détache, & on place aussitôt dans la petite fosse ouverte par avance, la plante, les racines & la terre ; de cette manière il n’arrive aucun accident, & le haricot ne s’aperçoit pas d’avoir changé de place. Il ne faut pas attendre, à moins que la saison ne soit absolument contraire & rigoureuse, que les plantes végètent pendant trop long-temps dans les pots, que leurs racines en tapissent tout l’intérieur ; alors elles souffrent de cette gêne, de cette contrainte, & à moins qu’on ne les arrose largement & souvent, les racines ne trouvent plus de substance pour nourrir les tiges, les feuilles jaunissent & annoncent la détresse générale & le manque de nourriture. Les fréquens arrosemens pallient le mal, & ne le guérissent pas. Il vaut donc beaucoup mieux devancer l’opération, & si le besoin l’exige, couvrir avec des cloches ou avec des paillassons les plantes nouvellement mises en terre.

Chaque pot ne doit pas contenir plus de trois à quatre semences au plus ; deux même suffisent, puisqu’on est assuré de leur réussite.

Si on a de bons abris formés par des murs ou par des paillassons, c’est le cas de s’en servir pour les transplantations, le haricot s’appercevra moins du changement de lieu. Si on a semé des haricots hâtifs, on ne tardera pas à jouir des soins qu’on leur a donnés : rarement conserve-t-on ces haricots pour être mangés secs ; on fera donc très-bien même de n’en pas conserver quelques pieds pour grainer, à moins qu’ils ne se présentent dans le plus grand état de perfection.

Je crois cependant, que c’est de cette manière qu’on est parvenu petit à petit à établir les espèces jardinières (yoy le mot Espèce), hâtives, & qui se perpétuent aujourd’hui tant qu’on ne les néglige point. En effet, ces espèces ne diffèrent des tardives ni par la fleur ni par le fruit, ou du moins cette différence est si peu caractérisée, qu’elle ne sauroit présenter ce qu’on appelle un caractère botanique.

Si on n’a pas les moyens de se procurer des cloches, des châssis & même des paillassons, si cependant on désire des primeurs ; on peut semer de bonne heure au pied des abris, & pendant chaque nuit ou chaque jour qui font craindre le froid, couvrir ces semis avec de longue paille.

Si dans les provinces les fumiers de litière & propres aux couches, étoient aussi communs qu’ils le sont à Paris, il n’y auroit pas à balancer, les pots & les couches mériteroient la préférence ; mais quand on pense qu’un tombereau moyen rempli de fumier de litière, nullement consommé, coûte trois livres dans les provinces du royaume où les pâturages sont peu