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ignoroit, sans doute, que tout insecte sortant de sa chrysalide est dans sa perfection, & qu’il conserve jusqu’à sa mort la même grosseur & la même forme.

Sous les étuis des ailes du hanneton, ainsi que dans tous les autres insectes volans, sont placées les trachées ou petits trous par où ils respirent ; ces trous se trouvent des deux côtés du segment ; mais ils en ont aussi deux autres au bas de la plaque du col, sous les poils touffus dont le corps du hanneton est couvert dans cet endroit. Ses deux pieds de devant sont distingués des quatre autres, non-seulement en ce qu’ils sont plus courts, mais encore par la partie du milieu qu’il ont plus forte, plus large, & dont, outre cela, le bord est coupant & garni de deux ou trois points ; configuration qui met le hanneton en état de creuser facilement la terre, lors même qu’elle est dure.

On fait que les hannetons s’accouplent & que dans le temps de l’accouplement, les deux sexes restent longtemps attachés l’un à l’autre. La femelle ayant été fécondée, creuse un trou dans la terre & s’y enfonce à la profondeur d’un demi-pied. Elle pond alors des œufs oblongs, dont la couleur est d’un jaune clair ; ces œufs sont rangés les uns à côté des autres & ne sont point enveloppés dans des espèces de pilules de terre, comme quelques-uns l’ont avancé. Après s’être débarrassée de son fardeau, la femelle ressort & se nourrit encore pendant quelque temps des feuilles d’arbre, & meurt.

Voici comment M. Roésel s’y est pris pour observer leur ponte. « Je ramassai, dit ce savant naturaliste, un grand nombre de hannetons, après qu’ils furent accouplés ; je les conservai dans de grands verres fermés avec un crêpe, remplis à moitié de terre couverte d’un gazon verd. Après quinze jours de captivité, je trouvai déjà dans plusieurs de mes bocaux, quelques centaines d’œufs ; je ne touchai point aux autres, parce que j’avois peur que les œufs n’en souffrissent & je les portai même à la cave.

À la fin de l’été je fus examiner un de mes vases, & au lieu d’y trouver des œufs, je les vis remplis de petits vers : comme j’aperçus que le gazon que je supposai leur servir de nourriture étoit un peu fanné, j’en remis du frais à la place & les vases furent tenus en plein air, les vers profitèrent considérablement jusqu’à l’automne ; à l’entrée de l’hiver ils furent reportés à la cave & sortis de nouveau au printemps. Au mois de mai, ils étoient devenus si forts qu’il leur fallut du gazon frais tous les trois jours, & bientôt après tous les deux jours. Enfin, il n’y avoit plus moyen de satisfaire leur appétit. J’imaginai de semer dans des vases des lentilles, des laitues, & d’y mettre mes vers après que ces semences auroient poussé, parce que les racines de toute espèce de plantes fraîches leur servent de nourriture. Ils furent entretenus de cette sorte jusqu’à la fin de la seconde année, & ils ne différoient en rien de ceux appelés par les jardiniers vers blancs ou turcs.

Pour mieux me convaincre de cette similitude, je ramassai un grand nombre des derniers & des plus gros, afin que s’ils vouloient devenir hannetons, ils le devinssent au plus vite, & mes vers furent conservés pour juger par comparaison. Ceux-ci passèrent la troisième année comme les