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Section II.

Des Haies forestières & épineuses.

Le manuel ou la fabrication de celles-ci est précisément la même que celle des haies fruitières. Ici je suis simple narrateur de ce que j’ai vu dans quelques cantons de l’Allemagne, aux portes d’Anvers, &c. Il est vrai qu’on n’y fait point d’entailles ou greffes par approche aux points de réunion ; mais lorsque les deux branches se serrent fortement les unes contre les autres, il s’y fait une greffe par approche naturelle, & les deux branches s’identifient à la longue les unes aux autres. Il est donc facile de diminuer le travail de l’opération par la suppression de ces greffes ; cependant comme il s’agit d’une clôture & d’une clôture défensive, ces greffes ne sont pas déplacées lorsque l’on est pressé de jouir & de prévenir les dévastations. J’y trouve un second avantage, en ce qu’elles modèrent l’impétuosité de la sève, & s’opposent au trop grand & trop rapide alongement des branches. Elles donnent le temps au cultivateur de garnir les haies par le bas, car, sans cette précaution, la partie inférieure devant être la plus dégarnie, le but de l’opération est manqué.

Ces exemples prouvent qu’on a le plus grand tort de laisser aux tiges des haies épineuses ou forestieres leur perpendicularité, puisqu’en les écartant avec la main, l’homme mal intentionné peut s’ouvrir un passage, tandis que les tiges inclinées & entrelacées offrent un obstacle invincible à l’homme qui n’a pas un instrument tranchant. Ce fait est si vrai, qu’Evelin, (Forest Tree, p. 114) en parlant des haies d’Écosse, formées avec l’aubepin, & greffées par approche, dit « qu’elles sont si fourrées, si serrées qu’elles renferment des lapins aussi surement que des enceintes de planches ». Le hasard me conduisit, étant fort jeune, à faire les premiers essais d’une haie fruitière. Qu’on se représente, s’il est possible, ma joie, lorsque j’apperçus pour la première fois des haies forestières, bien végétantes, & souffrir la tonte comme la charmille. Je sais aujourd’hui que le frêne, l’ormeau, l’érable ou sycomore forment des palissades aussi agréables à la vue que les charmilles ; mais on ne s’étoit pas encore avisé en France de les destiner à la clôture, en entremêlant, en inclinant & en greffant les tiges & les branches par approche. Il n’y a donc plus qu’un pas à faire pour que toutes nos haies réunissent l’agréable & l’utile, surtout quand on ne sera pas dans la disette du bois de chauffage. Il vaut beaucoup mieux alors, la haie une fois formée, laisser pousser en liberté ses branches en haut & sur le côté, & tous les trois ou quatre ans les rabaisser près du tronc. Cette opération entraîne après elle une défectuosité qui mine sourdement la haie. Au sommet du tronc restant de la branche coupée, il se forme une multitude de bourgeons qui attirent la sève en trop grande abondance, & nuisent aux branches inférieures. Il s’y forme ce qu’on appelle des têtes de saule ; c’est le cas de supprimer les rameaux surnuméraires à la pousse du mois d’août suivant, sans quoi ces rameaux se dévoreront entr’eux par la suite. Souvent ces bouts de tronc se déssechent, se carient, &