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même à le fumer, si on le peut, ou au moins à remplir avec des gazons une partie de la fosse. Toute lésinerie ou parcimonie dans cette première opération, tire à conséquence pour la suite. On ne doit jamais perdre de vue que la haie subsistera pendant un siècle, & que la première dépense est moins que rien, si on voit sa durée en perspective. Ce défoncement est également nécessaire, si on prend le sage parti de semer. J’estime au moins à trois pieds d’ouverture la partie supérieure de la fosse, sur autant de profondeur. On trouvera peut-être ces proportions trop fortes ; mais elles ne le sont point pour quelqu’un qui travaille en bon père de famille.

Je préférerois à faire les semis dans un jardin ; la terre y est naturellement plus meuble, & on peut leur donner les soins convenables. On a encore la facilité, en levant les sujets de terre, pour les transplanter, de fouiller assez profondément, & de ne point endommager les pivots. S’ils sont trop longs, relativement à la profondeur indiquée de la fosse, il suffira de coucher & d’étendre ce pivot, sans le raccourcir.

On n’a pas cette facilité, lorsqu’il faut aller chercher les plants dans les bois : on prend ce que l’on trouve, & on ne trouve, pour l’ordinaire, que des brins venus sur souche, que l’on éclatte, & ils sont peu enracinés. L’expérience a démontré que tout plant venu de souche ne végète pas aussi vigoureusement que les plants venus de graine.

La distance nécessaire d’un pied à un autre, dans la plantation, varie d’une province à l’autre. Ne doit-il pas cependant y avoir une loi générale, quoique soumise aux localités. Par exemple, dans un terrain très-substanciel, l’intervalle d’un pied entre chaque plant n’est pas trop forte, & celui de six à huit pouces dans les sols maigres, surtout s’il s’agit de plants pris sur souche. Si on veut opérer, ainsi qu’il sera dit ci-après, la distance doit être de dix-huit pouces ; je parle des haies communes, & non pas des fruitières ou forestières. L’espace exige d’être proportionné, non pas à l’étendue que prendrait l’arbre livré à lui-même, & formant un tronc, mais à celui que ses branches acquièrent ordinairement.

On a la fureur, lorsque l’on plante une haie commune, de la fourrer de toutes sortes de plants : sureau, aubepin, prunelier, rosier sauvage, ronces, groseillier épineux, tout est confondu ; & pour excuser cette mauvaise opération, on dit froidement que si une espèce manque, l’autre la remplacera : de tous les raisonnemens possibles, voilà le plus absurde & celui dont les conséquences sont les plus funestes. Si tous ces arbustes avoient une loi & une force de végétation égale, la bigarrure seroit supportable ; mais le sureau, par exemple, est déjà très-feuillé, lorsque l’aubepin commence à ouvrir ses premiers boutons. Le prunelier a passé fleur ; il est chargé de feuilles lorsque la végétation commence à s’établir dans l’aubepin, &c. &c. &c. Dès-lors ne voit-on pas que l’ombrage des premiers sur les autres, les empêche de jouir du contact direct de l’air & des impressions du sol ? Il est donc dans l’ordre que la végétation des premiers devance celle des seconds, qu’elle lui nuise