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on dessécheroit plusieurs fruits qu’on est sûr de vendre, parce qu’on peut les transporter au loin ; les pains d’abricots d’Auvergne, les pruneaux de Tours, les rousselets de Reims, &c. &c. en sont la preuve ; enfin, si l’industrie n’étoit pas portée jusqu’à ce point-là, l’excédent des fruits que le cultivateur ne consommeroit ou ne vendroit pas, seroit donné aux oiseaux de basse-cour, ou aux troupeaux ou aux bestiaux, & on les verroit engraisser à vue d’œil. Comme rien n’est perdu dans les campagnes, on doit donc multiplier les ressources dans tous les genres.

Ce n’est pas au pauvre fermier, au pauvre métayer à faire la première dépense de ces haies, ni à les entretenir pendant les trois ou quatre premières années. Le premier, à moins qu’il ne soit assuré d’un second bail, ne jouiroit pas à proportion des peines qu’il auroit eues : le second, homme à gages, ignore si un caprice, ou tel autre motif, ne le fera pas mettre à la porte après un ou deux ans. Ces gens n’ont donc qu’un intérêt précaire à la chose, & elle sera par conséquent mal faite ; cependant, du commencement de l’entreprise dépend sa réussite. Comment faut-il établir ces haies ? nous l’examinerons dans le chapitre suivant.

§. II. Des Haies forestières.

Je qualifie de ce nom celles qui sont plantées en arbres indigènes aux forêts, comme avec les chênes blancs ou verts, le fau ou hêtre, le frêne, l’érable ou sycomore, le micocouiller, l’ormeau ; tous ces arbres de chêne blanc réussiront bien dans les provinces septentrionales ; l’alisier, le bois de Sainte-Lucie, les sorbiers, le sureau, le charme ou charmille, le saule-marceau, les tamariscs, & surtout le tamariscus narbonensis dans les provinces méridionales, &c. On peut employer l’aune ou verne lorsqu’il s’agit de se défendre contre les rivières & contre les hommes & les bestiaux.

Si on est libre de choisir parmi les arbres naturels au pays, l’orme mérite une exclusion totale, non parce qu’il ne forme pas de bonnes haies, mais parce qu’il étend ses racines horizontalement, & qu’elles vont à trente & quarante pieds dévorer la substance des moissons, des vignes, &c. cette marche traçante des racines, augmente encore plus lorsqu’on tient l’ormeau bas, & lorsque l’on rabaisse souvent ses branches. Le mûrier mériteroit la préférence sur tous les arbres cités, s’il trouvoit partout le sol & le climat qui lui convient. Son utilité est trop reconnue pour insister sur cet article ; il a cependant le défaut d’avoir des racines traçantes ainsi que l’ormeau ; mais la cause première & déterminante de ce tracement, consiste dans la suppression du pivot lorsqu’on a planté ces arbres ; la soustraction le force à donner des racines horizontales, tandis que la nature les destinoit à pivoter profondément. Il est facile de se convaincre de ce fait, en examinant ces arbres lorsqu’on les enlève pour la première fois de la pépinière, ou à la seconde, si on a ménagé ce pivot à la première transplantation. Si le sol a du fond, si on n’a point coupé le pivot, on