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appartiennent à des étrangers ; dans le premier cas, rendez les bergers & les pâtres responsables des dégâts, & retenez-en la valeur sur leurs gages ; une fois punis de la sorte, ils seront plus vigilans, plus attentifs à l’avenir ; quant aux troupeaux du voisinage, c’est à vous à les faire surveiller ; ne conservez-vous pas vos blés, vos prés, vos vignes, &c. contre leurs dévastations ? la loi ne veille-t-elle pas ? deux témoins, même des gens de votre métairie, suffisent pour intenter une procédure au berger malfaiteur. La correction judiciaire est pesante, & cette leçon coûteuse est un bon & sûr préservatif pour l’avenir ; enfin, partout il n’y a pas de troupeaux.

Le vol des fruits est plus à craindre, aux portes des grandes villes, car dans les métairies écartées, les arbres fruitiers, isolés dans les champs, sont rarement attaqués. Les vignes, aux portes de Paris, ne sont pas fermées par des murs, par des haies ; il est même défendu aux propriétaires de les clorre : cependant on ne vole pas les raisins, ni les cerises, ni les prunes des arbres qui y sont plantés. Supposons que quelques pommes, que quelques poires, &c. soient dérobées, il en restera toujours assez, & le passant avide ne pourra toucher aux fruits qui ne seront pas sous sa main, ou qui seront en dedans de la haie. L’idée de la jouissance exclusive nous fera bientôt envier aux oiseaux jusqu’aux baies de sureau & d’aubepin que ces arbres produisent dans nos buissons.

Si les enfans, les jeunes gens, pillent des fruits, c’est pour les manger, & les gens d’un âge plus mûr, pour les vendre. Plantez des arbres à fruits d’hiver, & ils ne tenteront plus, parce qu’on les cueille longtemps avant l’époque de leur maturité ; ou bien, plantez des pommiers à cidre.

Les avantages de ces haies se réduisent 1o. à clorre & garantir les champs ; 2o. à fournir autant de bois de chauffage qu’aucune autre haie ; 3o. à assurer une récolte de plus dans le canton. On supprimera alors ces arbres épars çà & là dans les champs, dans les vignes, &c. parce qu’ils nuisent nécessairement à la récolte qu’on attend du sol couvert par leur ombre.

Le sort des habitans de la campagne est déjà assez à plaindre ; ne leur envions donc pas une petite ressource de plus : les conditions qu’on impose ordinairement à ses métayers, sont si dures, qu’on leur laisse à peine le plus strict nécessaire.

Les prunes, par exemple, forment une récolte dans les environs de Tours, par la multiplicité des pruniers qui enrichissent ce canton. Pourquoi une semblable ressource seroit-elle refusée à d’autres provinces ? ou plutôt, pourquoi l’industrie ne l’a-t-elle pas établie ? Cela tient à l’exemple à donner par deux ou trois particuliers. L’homme imite toujours ce qu’il voit faire.

Supposons que de semblables haies fussent établies dans tout le royaume, il en résulteroit nécessairement la soustraction de tous les arbres fruitiers dans l’intérieur des pièces destinées à la culture, & qui nuisent essentiellement à leurs travaux. Une abondance de fruits, dont on tireroit une boisson comme des pommiers ou des poiriers ; le noyer, le noisetier, l’amandier fourniroient de l’huile,