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dans des pays où il est si rare ; d’ailleurs la récolte de fruit n’est pas un objet à négliger.

Lorsque la haie est à la hauteur qu’on désire, il ne s’agit plus que de la laisser épaissir, ce qui s’exécute en arrêtant chaque année les branches du haut & en resserrant & raccourcissant les branches latérales. Si on la laisse trop vite gagner en épaisseur, la clôture ne sera jamais bien solide. Il faut savoir perdre du temps pour mieux jouir. Il convient d’observer, lorsqu’on commence à former la haie, que la sommité des bourgeons porte souvent quatre yeux disposés en croix ; on doit l’abattre, parce qu’il n’en résulteroit que quatre petites branches chiffonnes, ou du moins ne laisser subsister qu’un œil au-dessous de la coupe, & abattre celui qui lui est opposé, afin que le premier s’élance avec plus de force.

2°. Des espaliers. Peu d’arbres tapissent aussi exactement un mur que le grenadier par la multiplicité de ses branches ; & si on fait les conduire à propos, cette palissade n’aura jamais plus de trois à quatre pouces d’épaisseur. Elle n’a besoin d’aucun tuteur, d’aucun soutien, sinon dans le commencement & jusqu’à ce qu’elle soit à une certaine hauteur. Je connois, en ce genre, des espaliers de vingt pieds de hauteur sur autant de largeur, formés par un seul pied. Lorsque l’on est pressé de jouir, il vaut beaucoup mieux planter alternativement un pied de grenadier à fleur double, & un pied à fleur simple, qui donne un fruit doux. En entremêlant, dans la suite, les branches de ces deux espèces, on a, dans l’été, le plaisir de voir un joli mélange de fleurs, & on diroit, en automne, que l’espalier est, dans son entier, formé de grenadiers à fruit.

Le grenadier à fleur double craint plus le froid que le grenadier à fruit doux ; celui-ci, plus que le grenadier à fruit acide & doux ; & le grenadier à fruit acide le craint moins que les deux premiers, parce qu’il est plus près de son premier état de nature. Peu d’arbres mis en espalier offrent un aussi beau coup-d’œil que le grenadier ; la multiplicité de ses fleurs, d’un rouge vif & éclatant, contraste à merveille avec la couleur du vert foncé & luisant des feuilles. Pour hâter l’avancement de l’arbre, ne vous pressez pas de le mettre à fruit ; supprimez toujours, autant que vous le pourrez, le vieux bois, ou bien ravalez-le au point de le forcer à donner de longs bourgeons, jusqu’à ce que le mur soit couvert. Son garnissement, si je puis m’exprimer ainsi, ne se fera pas attendre, si vous avez conduit l’arbre ainsi qu’il convient.

Il est indispensable, dans les pays où le froid est âpre & long, de couvrir les espaliers pendant l’hiver, soit avec des paillassons, soit avec des balles de blé, de froment, de l’orge, de l’avoine, &c. soutenues, de distance en distance, par des branchages fichés en terre & assez serrés pour que les vents & les pluies ne dérangent ou n’enlèvent pas ces balles. Avec les paillassons, on a l’avantage de donner de l’air à l’arbre, lorsque le temps est doux. Si les paillassons ne suffisent pas à le garantir du froid, les mêmes balles, mises par derrière le paillasson, le garantiront de ses rigueurs.

3°. Des grenadiers en tête. La première attention est de former la tige