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conçoit assez que plus la substance qui s’évapore sera composée de molécules tenues, plus la chaleur se dissipera facilement, plus le froid augmentera. Ainsi l’eau en produira moins que l’esprit de vin, l’esprit de vin que l’éther ; & la rapidité de la congélation sera en raison de la vivacité de l’évaporation.

La goutte d’eau formée dans le nuage, de la manière que nous l’avons déjà dit, s’évaporant rapidement par son excès d’électricité, & d’autant plus que l’électricité a plus d’énergie, c’est-à-dire, que la surabondance est plus forte, est bientôt environnée d’une atmosphère dont la chaleur &. le mouvement qui lui sont propres, sont bannis. Cette atmosphère lui communique insensiblement le froid qu’elle acquiert, de proche en proche, de couches en couches jusqu’au centre de la goutte ; le mouvement cesse, la fluidité s’interrompt & la glace se forme en filets qui laissent encore, quelques momens, un passage à de nouvelles évaporations. Mais grossissant insensiblement, les passages s’obstruent, la glace devient solide, jusqu’au point que, formant une enveloppe autour de la goutte d’eau, l’évaporation produite par l’électricité cesse. Alors l’eau, l’air, le fluide électrique, enchaînés par cette enveloppe, ne peuvent plus s’échapper, & sont retenus pêle-mêle au centre. Bientôt il survient une autre évaporation bien plus énergique, parce qu’elle est plus active. C’est celle qui est occasionnée par la chute de la goutte d’eau, & par son transport rapide des régions élevées de l’atmosphère, jusque sur la surface de la terre. Ce glaçon traversant, avec une vitesse accélérée, les différentes couches de l’air, éprouve à son passage le même effet que la boule du thermomètre imbibée d’esprit de vin ou d’éther, sur laquelle on souffle continuellement. À chaque nouvel instant de cette chute, il se produit un nouveau degré de froid par le renouvellement continuel des surfaces ; la dureté du glaçon augmente, & la congélation pénètre jusqu’au centre de la goutte.

En deux mots, voici tout mon système. 1°. Les nuages sont tous électriques naturellement, & ne s’électrisent en plus qu’accidentellement.

2°. Il n’y a point d’évaporation électrique dans le premier cas ; elle ne peut avoir lieu que dans le second.

3°. Dès que l’évaporation électrique commence dans une goutte de pluie, il se forme autour d’elle une atmosphère de sa propre substance, qui intercepte le mouvement & la chaleur répandue dans l’air ambiant.

4°. Cette cessation de mouvement produit le froid dans cette atmosphère.

5°. Ce froid & cet engourdissement se communiquent à la goutte d’eau successivement jusqu’à son centre.

6°. La glace se forme alors.

7°. Quand la croûte de glace est formée, l’évaporation électrique cesse.

8°. Enfin, le glaçon, en tombants s’évapore, se refroidit, & se durcit de plus en plus en parcourant les couches de l’atmosphère.

Avec ces huit données, je crois que l’on peut facilement résoudre presque tous les phénomènes qu’offre la grêle ; je vais parcourir les principaux.