Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’air assez chaude pour les raréfier de nouveau, elles se dépouilleront de leur surabondance d’électricité, se rediviseront & remonteront dans les régions supérieures. C’est à l’instant de ce dépouillement, s’il s’est fait assez proche de la terre, que les électromètres deviendront sensibles[1]. Le mouvement alternatif de condensation & de raréfaction, de montée & de descente des nuages, n’est point chimérique & imaginaire : je l’ai observé un très-grand nombre de fois, sur-tout à midi, en regardant par l’ouverture verticale d’un observatoire. Tout le monde peut remarquer que les nuages sont tantôt plus épais, tantôt plus déliés, tantôt plus élevés, tantôt plus bas ; effet produit par le mouvement alternatif dont je viens de parler.

Mais si une vive étincelle, une commotion violente sert de dépouillement d’un nuage à l’autre, ou si cette étincelle est produite à l’approche d’une haute montagne, d’un édifice très-élevé, il se fait un bouleversement subit & total dans le nuage vers l’endroit de la communication. Les molécules s’amoncelant les unes contre les autres, se réunissent, forment de grosses gouttes. Toutes ces grosses gouttes contiennent chacune une portion d’électricité surabondante à celle qu’elles avoient auparavant surchargées, elles tendent à s’en dépouiller. Dès cet instant, les aigrettes commencent, & l’évaporation s’établit. Augmentant de volume & de pesanteur, elles se précipitent vers la terre, oh elles arrivent avec une impétuosité proportionnelle à leur masse & à la hauteur d’où elles tombent. C’est dès ce premier instant de l’évaporation & de la chute, que se commence la congélation ; elle dure jusqu’à ce que le glaçon soit bien formé.

Voici à peu près comme je conçois cette formation. La chaleur est produite & conservée par le mouvement né, ou par le frottement, comme entre la lime & le fer limé, ou par l’action d’un fluide en mouvement sur un autre, comme entre le feu & l’eau, la lumière & l’air ; & ce mouvement doit être un mouvement propre à chaque partie de la masse échauffée. Si l’évaporation fait cesser ce mouvement intestin, dès-lors, l’évaporation produira le froid. L’évaporation occasionnée par l’électricité, celle de l’esprit de vin, de l’éther &c. &c. n’est absolument qu’une évaporation de surface, évaporation qui divise les corps en molécules infiniment petites. En les divisant, elle les écarte, en dégage l’air, & le feu qu’elles pouvoient contenir durant leur réunion. Séparées, elles s’élèvent dans l’air & forment autour du corps une atmosphère qui chassera devant elle l’air qui l’environnoit, & occupera sa place. Tout cet espace rempli par ce nouveau fluide, perd sa chaleur par le renouvellement rapide des nouvelles molécules. On

  1. On a remarqué souvent que les électromètres donnoient des signes d’électricité, sans apparence d’orage, & même sans nuage ; ne pourroit-on pas dire que ces signes étoient produits par l’électrice, dont se dépouillent les vapeurs aqueuses en se redilatant ?