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de l’insertion de la partie de la branche taillée en coin ; mais elle est inutile sur la longueur de douze à vingt-quatre lignes de cette branche, qui sont insérées dans le bois. On peut, si l’on veut, la conserver. Après avoir préparé cette branche, ou même avant, on scie le pied de l’arbre ou la grosse branche à l’endroit que l’on juge à propos. Il faut observer que, sur cette place, l’écorce soit saine, lisse & unie. Après avoir fait passer la scie, qui rend raboteuse & hérissée la superficie de la branche ou du tronc, on unit la plaie, de manière que les pores & les couches du bois soient très-visibles. Ce rafraîchissement du bout de la branche ou du tronc, ainsi appelé par les jardiniers, est-il une opération indispensable ? Je ne le crois pas, & même j’ai la preuve du contraire par ma propre expérience ; cependant je conviens que cette pratique n’est pas à négliger, parce qu’à mesure que le bourrelet des deux écorces se forme, il recouvre plus intimement la coupure, lorsqu’elle est lisse, que lorsqu’elle est raboteuse.

Il s’agit actuellement d’insérer le coin de la petite branche dans le tronc. Si le tronc de l’arbre ou la branche à greffer sont minces, (voy. Fig. 9) on choisit une branche qui doit être d’un volume à peu près égal, & on la coupe en pinnule de hautbois, de manière qu’un peu d’écorce reste des deux côtés, & qu’elle corresponde à l’écorce de la circonférence du tronc ou de la branche, lorsqu’elle y est insérée. Un couteau ou une serpette servent dans ce cas, & suffisent pour faire l’ouverture. À cet effet, on appuie le tranchant de la lame juste dans le milieu de l’arbre ou de la branche ; ensuite, frappant plusieurs petits coups avec un maillet, un marteau sur le dos du couteau ou de la serpette, on fend le tronc assez profondément pour que toute la partie de la petite branche taillée en coin puisse entrer dans cette ouverture, & même au-delà, afin de substituer à l’instrument tranchant, lorsqu’on le retire, un petit coin de bois sec & dur, qui tiendra les deux lèvres écartées, & qui facilitera l’introduction de la greffe. On retire ensuite doucement ce coin, lorsque la greffe est bien rangée, & on enveloppe le tout avec de l’onguent de Saint-Fiacre ou avec de l’argile, de la mousse, que l’on recouvre avec un linge, & que l’on assujettit avec de la paille, ou du jonc, ou de l’osier. C’est de l’usage de ce linge qui emmaillotte, pour ainsi dire, le tronc & le bas de la greffe, qu’est dérivée la dénomination de greffe en poupée. L’onguent de Saint-Fiacre est préférable à toute autre substance ; il ne se gerce pas, il ne se réduit pas en poussière, la pluie ne le détrempe pas ; & dans tous les cas possibles, il empêche le contact de l’air qui nuiroit à la plaie. Enfin, lorsque cette plaie est bien consolidée par le temps, on détache les liens, & on enlève l’appareil. On fera bien cependant de le conserver sur place jusqu’à l’entrée de l’hiver, si le pays qu’on habite est sujet aux coups de vent.

Il arrive par fois qu’en fendant le tronc, la fente n’est pas nette, & que des filamens du bois se détachent d’un côté, ou tiennent à tous les deux : alors on les coupe proprement avec la serpette, afin qu’il ne