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ennemis redoutables pour les graines ; c’est encore une des raisons pour laquelle j’insiste sur l’usage des sacs accrochés à des clous contre des murs, ou suspendus à des perches. Dans les provinces du midi voisines de la mer, on ne doit jamais placer les sacs contre les murs du côté d’où souffle le vent marin. Quoique bâtis à chaux & à sable, l’humidité est si grande tant qu’il règne, qu’elle pénétreroit & les sacs & les graines.

II. De la durée des graines. On n’a point encore suivi assez exactement ce point important d’agriculture & de jardinage, à cause de la facilité qu’on a de s’en procurer de nouvelles. La solution du problème tient plus à la curiosité qu’au besoin ; mais s’il avoit été résolu, on n’auroit pas vu les papiers publics de France & d’Allemagne sur-tout, discuter si souvent & si longuement, si une espèce de plante peut être convertie dans un autre espèce, par exemple, du seigle en avoine, & de l’avoine en orge, &c. (Consultez le mot Espèce & le mot Froment). Ce qu’il y a de certain, c’est que la graine de telle ou de telle plante ne végète plus à la seconde ou à la troisième ou à la quatrième année, tandis que la graine de telle autre est bonne après la dixième année.

À quoi tient cette diversité ? Il n’est pas aisé d’en connoître la cause. Chaque plante a, suivant moi, sa loi particulière de végétation, & la durée de sa graine en bon état dépend de cette loi première. Cette supposition ne résout pas la question, mais elle annonce du moins que la durée des graines ne doit pas être la même. Je crois que la cause intrinsèque de cette durée dépend de la plus ou moins grande quantité d’huile contenue dans la graine. Par exemple, j’ai semé, après 6 à sept ans, des pépins d’un raisin qui s’étoit desséché & oublié dans un sac de papier, & ils ont parfaitement bien germé, seulement à la seconde année ; or, on sait que l’on peut par expression retirer du pépin de raisin une assez grande quantité d’huile. En Suède, on avoit en 1747 jeté des graines de tabac en terre, & on vit pulluler des plantes de tabac en 1756. Comme cette plante est très-étrangère à ce climat, & qu’on ne la cultive point, il n’est pas probable qu’elle y ait été transportée par le vent ou par d’autres causes accidentelles ; d’ailleurs, M. Nordberg qui rapporte ce fait, est trop bon observateur pour n’avoir pas pris tous les renseignemens nécessaires avant de le publier. Il seroit facile de citer nombre d’exemples semblables.

L’assertion que j’ose avancer sur les effets de l’huile, n’est pas démontrée. On objectera que la graine de chenevis ou de chanvre, (voyez ce mot) certainement très-huileuse, ne végète plus après la seconde ou la troisième année. Je conviens du fait ; mais je sais aussi que toutes les fois que l’enveloppe & la cuticule qui recouvre l’amande est attaquée, brisée ou seulement meurtrie, se corrompt par la rancidité que l’huile acquiert. Les noix, noisettes & amandes, proprement dites, en fournissent la preuve. Du peu de soins, (proportion gardée avec ceux donnés aux graines de jardinage) qu’on a des graines de chenevis ou telles autres qu’on vend communément à la mesure, on doit conclure qu’il n’est