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Quand les premières voies sont surchargées de matières indigestes, les stomachiques sont sans effet : il faut alors entremêler l’usage de la teinture vineuse de rhubarbe, ou bien celle d’aloès.

Le lait ne peut être donné que pour combattre l’âcreté des humeurs ; il peut encore beaucoup nuire, si l’estomac est foible, & les digestions difficiles. Il a sur-tout de mauvais effets dans les goutteux hypocondriaques, dont l’estomac paroît singulièrement affecté, & dans l’empâtement des viscères. Il produiroit à coup sur des gonflemens dans l’estomac, des nausées, des obstructions dans les viscères, & d’autres maux plus graves & plus rebelles que la goutte. La diète blanche ne peut convenir que dans les accès de goutte extrêmement douloureux ou invétérés. Werloof ne la permet que dans cette circonstance. Les purgatifs sont toujours dangereux dans les attaques de goutte : Hoffman conseille (quand l’accès est imminent) une prise de poudre cornachine. Cette application est délicate : j’ai vu les plus heureux effets de l’eau médicinale.[1]

L’application des topiques attractifs est très-délicate : elle peut produire les plus grands maux. Hippocrate se servoit de la combustion du lin : les Chinois brûlent le moxa. (Voyez ce mot). L’urtication peut être utile ; mais, dans des cas graves, Duhamel a beaucoup conseillé l’application du bulbe de la renoncule des prés ou clairette. Je m’en suis servi avec succès ; mais j’ai aussi observé qu’il produisoit un ulcère qui donnoit beaucoup de matière, & séchoit difficilement.

Les topiques les plus appropriés sont les huileux sous forme d’émulsion. Ce seroit partir d’une mauvaise théorie que de les proscrire dans l’idée qu’ils bouchent les pores, & peuvent par-là diminuer la transpiration. Lob en a vu de bons effets, & sur-tout de l’huile camphrée de la Pharmacopée de Paris, qu’on a vu résoudre des nodosités commençantes.

Il n’y a point, à proprement

  1. Note du Rédacteur. Ne seroit-il pas de cette eau médicinale si décriée par les uns, & portée aux nues par les autres, comme du tafia ou liqueur des Caraïbes ? Cette dernière liqueur a produit d’excellens effets sur certains goutteux, & de très-pernicieux sur un grand nombre. En effet, la goutte, chez les uns comme chez les autres, provient-elle des mêmes causes ? Je ne le crois pas. Dans ce cas, il n’est donc pas étonnant qu’un remède rende la vie à un malade, & en tue plusieurs. La goutte a toujours été l’écueil de la médecine, & l’insuffisance des traitemens a fait imaginer mille prétendus spécifiques. M. Buchan, dans son excellent ouvrage, intitulé Médecine Domestique, s’explique ainsi : « Il est vrai qu’il existe plusieurs moyens d’abréger un accès ; qu’il y en a même quelques-uns qui peuvent l’emporter entièrement mais on n’en a encore trouvé aucun qui produise cet effet sans faire courir de grands risques aux malades. Dans le temps de la douleur, on saisit avec empressement tout ce qui peut procurer un prompt soulagement, & on hasarde sa vie pour un bien-être momentané. » Il dit ailleurs : « J’ai vu très-souvent que, pendant plusieurs années, on éloignoit les accès de goutte par l’usage du quinquina & des autres remèdes ; mais, dans tous les cas où j’ai eu occasion d’en voir faire l’expérience, j’ai vu que les personnes mouroient subitement, &, selon toute apparence, parce qu’elles n’avoient pas eu d’attaques de goutte régulière. Nous sommes portés en-conséquence à conclure que ces attaques, chez certaines personnes avancées en âge, sont plus salutaires que nuisibles. ».