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à l’air libre aussitôt qu’il est possible. Si on se sert de paillassons, on doit les soulever pendant la journée, & laisser un libre cours aux rayons du soleil. Les girofliers craignent beaucoup la privation de la lumière & l’humidité.

Les quarantains demandent à être transplantés aussitôt qu’ils marquent, s’ils doivent être mis dans des pots, & dès qu’ils ont quelques feuilles, si c’est pour la pleine terre. Plus ils sont jeunes, plus la transplantation & la reprise sont faciles. Il est assez important d’arroser assez largement la veille du jour consacré à la transplantation, afin que la terre reste adhérente aux racines : le trop & le trop peu d’irrigation sont des défauts à éviter, & l’on fera très-bien de choisir un jour couvert & disposé à la pluie. Dans les provinces méridionales, où un tel choix est difficile, on transplantera au soleil couchant, on arrosera tout de suite, & le lendemain matin, au soleil levant, on couvrira la jeune plante avec une feuille de chou, de grande mauve, &c., afin de la garantir de la grande impression du soleil ; & le soleil couché, on enlèvera cette feuille, afin que la fraîcheur de la nuit & la rosée raniment le giroflier. On aura soin de continuer de la sorte pendant trois ou quatre jours.

Plus on laisse les girofliers vivaces ou biennes dans la pépinière, moins ils profitent : ils y sont toujours trop serrés, leurs feuilles se touchent, les tiges s’élancent & n’ont plus le corps qui leur est nécessaire. On ne se repent jamais de transplanter trop tôt, & on se répent toujours de transplanter trop tard. On ne peut pas connoître les pieds à fleurs doubles ou simples ; il convient de transplanter ou dans des pots, ou en pleine terre à tout hasard, sauf à déplanter ensuite ceux qui paroîtront donner des fleurs doubles.

La culture des provinces méridionales ne convient point à celles du nord, ni celle du nord à celles du midi. Tous les girofliers, en général, craignent peu la gelée, si la plante n’est pas humide. Pendant l’hiver, dans les provinces du midi, les feuilles tombent & s’inclinent contre terre ; de sorte que le pied est caché par elles ; mais, comme elles ne le touchent pas, l’humidité concentrée sous cette voûte cause la ruine de la plante, pour peu que la saison soit pluvieuse, & qu’il survienne des gelées. Si ces feuilles sont exhaussées, s’il règne un courant d’air, la plante brave la rigueur du froid. La prudence exige cependant que l’art vienne au secours de la nature : à cet effet, on prend des liens de paille de seigle dont on enveloppe le pied, en observant de relever par-dessus toutes les feuilles. S’il survient de la neige, des froids trop vifs ou de très-longues pluies, on fera très-bien de les couvrir avec de la paille menue, afin de détourner les eaux, & sur-tout afin de prévenir le passage subit du froid à la chaleur causée par le soleil.

Dans les provinces du nord, où les pluies sont fréquentes, l’humidité habituelle & les froids trop vifs, il est très-important de transporter des jardins dans des serres les girofliers, & principalement ceux qui commencent à marquer. Cette opération a lieu en octobre ou novembre, suivant la saison. On range chaque pied séparément dans une