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lorsque par dégradation elles cessent d’avoir une bonne nourriture & des soins multipliés. Je crois que les graines inférieures de la silique sont les meilleures & que ce sont elles qui fournissent les fleurs doubles. Si j’avois le temps de m’occuper de ces détails, je tâcherois de vérifier ma conjecture ; mais j’espère que quelques fleuristes zélés s’occuperont à la vérifier, & je les prie d’avoir la complaisance de me communiquer le résultat de leurs recherches & de leurs travaux.

Ce que j’ai dit est certainement contradictoire avec ce qu’on lit dans un Ouvrage, sans nom d’auteur, intitulé : Traité de la culture de différentes fleurs, publié en 1765, à Paris chez Saugrain, in-12. « Il ne faut pas croire, (dit l’auteur) que pour avoir de la bonne graine, il soit indifférent sur quel pied de giroflée simple notre choix tombe. Ceux qui sont drus, qui jettent de grandes branches & un beau feuillage ne sont pas ceux que l’on doit choisir pour obtenir une graine qui produise des giroflées doubles ; leur apparence est trompeuse, & il ne provient de ces pieds qu’une graine dont on n’obtient que des giroflées simples. Ceux, au contraire, qui, contre la nature des giroflées, ont une nature informe & des branches monstrueuses & crépues produisent une graine excellente. Cependant, il est une précaution à prendre pour être encore plus sûr d’obtenir la meilleure, il faut remarquer & choisir les fleurs & les gousses de ces mêmes pieds, lesquelles ont comme eux quelque chose d’informe, & sont courtes, recoquillées ou entièrement irrégulière. Dans une centaine de pieds, il y en a quelquefois à peine dix qui, suivant M. Grojan, soient propres à produire une bonne graine. Lorsqu’on choisit les grains les plus gros & les mieux formés, c’est le moyen de n’en obtenir jamais que des giroflées simples. »

» Plusieurs amateurs nous prouvent qu’une mauvaise sorte de giroflée, dont la graine n’a produit jusqu’ici que des pieds à fleurs simples, peut être améliorée, lorsque pendant plusieurs années on a soin de choisir la graine provenant des fleurs chétives & irrégulières, & formées dans des gousses monstrueuses & recoquillées. Il est aisé de marquer les fleurs, dont on espère une bonne graine, avec un peu de fil, de soie, &c. On peut, par ce moyen, recueillir du même pied de la bonne & de la mauvaise graine, &c. »

Je n’entrerai dans aucune discussion sur les conseils publiés dans cet Ouvrage ; ils me paroissent singuliers ; cependant, je ne veux pas nier leur résultat, puisque je n’en ai jamais fait l’expérience : mais je puis assurer, avec vérité, à l’auteur que j’ai toujours & en très-grand nombre de très-beaux girofliers à fleurs doubles, en semant des graines choisies sur les siliques & sur les pieds les mieux nourris ; que de la graine de girofliers jaunes venus sur les rochers, ne m’ont jamais donné de fleurs doubles à la première fleuraison ; qu’au second semis de ces graines j’ai eu seulement quelques pieds à fleurs doubles & assez petites, & que leur nombre a augmenté ainsi que leur quantité aux semis suivans, toujours en choi-