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on en fait des paquets que l’on garde dans un lieu bien couvert ; car on prétend que l’eau pluviale leur ôte leur blancheur. »

» On les fait ensuite rouir ou macérer dans de petites rigoles remplies de l’eau des bains qui est très abondante & que l’on voit fumer lorsque l’air est froid, en se déchargeant dans les canaux ; mais qui en toute saison se conserve long-temps tiède. Le temps où l’on s’occupe à tirer le fil du genêt, est depuis septembre jusqu’en mai. Il ne faut cependant que trois ou quatre jours pour faire rouir les brins qui doivent rester en paquets au fond de l’eau, chargés de deux ou trois cailloux. Le rosissement étant achevé, on tire à fleur d’eau un ou deux brins du paquet ; on les tient de la main gauche, & on a dans la main droite une pierre terminée en biseau : en appuyant le taillant de la pierre sur la pointe des brins, on l’écache & on en divise la partie filamenteuse que l’on sépare ensuite tout-à-fait de la partie ligneuse. On tire cette partie filamenteuse de l’eau & l’on en fait des poignées. »

» On fait sécher cette filasse ; on la bat ensuite avec des espadons comme l’on fait au lin. La poudre cotonneuse qui sort de la poignée lorsqu’on la bat, sert à rembourrer les meubles & les harnois en guise de laine ou de crin dont elle a l’élasticité. L’autre partie de la filasse ayant été passée au peigne, se file au rouet ; ce fil est plus fin & plus souple que celui du chanvre, & pas autant que celui du lin. Il prend aisément la teinture, & sert à tous les usages auxquels les autres fils sont destinés. »

Je ne pense pas qu’il faille absolument le secours des eaux thermales pour le rouissage du genêt ; elles l’accélèrent, j’en conviens, comme la chaleur du soleil sur les eaux stagnantes, accélèrent celui du chanvre. (Voyez ce mot). Ainsi il suffira de laisser plus longtemps le genêt dans l’eau après sa récolte, & dans sa filature les pauvres trouveront une ressource précieuse qui les aidera à vivre & à se procurer les choses nécessaires pendant la durée de l’hiver.

Les communes, les montagnes chargées de genêt à balai, ouvrent une petite branche de commerce. Il faut des balais dans les villes, ils y sont peu chers, mais ils ne coûtent rien à ceux qui les fabriquent, & la charge d’un âne nourrit une pauvre famille pendant plusieurs jours.

Dans le pays à genêt la paille est peu abondante, & sert à la nourriture du bétail. Sans le genêt, avec quoi feroit-on la litière ? Il s’imbibe d’urine, fermente avec le fumier, & conserve l’engrais dans les champs sur lesquels on le voiture.

Si les engrais sont peu abondans, & ne suffisent pas au besoin, & si le genêt est très-commun, on fera un lit de cette plante, un lit de terre, & ainsi de suite jusqu’à ce qu’il y ait un ou plusieurs gros monceaux. Alors on en garnit toute la circonférence avec de la terre que l’on bat avec force & plusieurs reprises, ainsi que le dessus, afin que le tout forme une seule & même masse impénétrable à la pluie. Ces monceaux peuvent rester ainsi pendant deux ans, & les ouvriers prennent, pour les faire, les jours qu’ils ne peuvent travailler aux champs, car à la campagne la première éco-