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l’arbre qui réussit le mieux dans le pays. C’est le seul parti que doit prendre un homme sage, un père de famille, enfin un homme qui a le sens commun, sur-tout aujourd’hui que la disette des bois se fait sentir dans presque tout le royaume & où l’on consomme le décuple plus de bois qu’il y a vingt à trente ans.

Cependant, si l’on persiste, malgré ce que je viens de dire, à défricher le genêtières, voici le parti que je prendrois si j’étois dans ce cas. Aussitôt que la graine de genêt seroit mûre, je la recueillerois avec le plus grand soin, & si elle n’étoit pas suffisante, je m’en procurerois des champs voisins. Enfin, j’en semerois complètement le champ après l’avoir labouré. Les labours ordinaires seroient continués pour les semailles du seigle ou du sarrasin. Le seigle germera, sortira plus promptement de sorte que le genêt, & il gagnera le dessus. À la récolte, la faucille coupera les brins du genêt un peu élevés, & le champ une fois nettoyé, le genêt paroîtra de toute part & fera vraiment un champ de genêts bien serrés. À la fin de la seconde ou troisième année, c’est-à-dire, après la maturité des nouvelles & premières graines, on recommencera la même opération, & ainsi de suite. Enfin, on n’attendra pas, chacun suivant son climat, que l’arbrisseau ait acquis une consistance ligneuse, autrement les branches trop fortes gêneroient pour le labourage, seroient mal enterrées & se décomposeroient difficilement. C’est la consistance des branches & du tronc principal qui doit servir de règle pour le défrichement. Par cette méthode, on obtient réellement, par la décomposition de la multiplicité des petites branches herbacées, une masse de terre végétale, & on peut espérer des récoltes passables si les pluies n’entraînent pas cette bonne terre… Je donne ces conseils avec peine, parce que l’avantage résultant de cette pratique d’agriculture ne dédommagera jamais de la perte du terrain qui auroit été conservé par les bois & auroit acquis une valeur réelle, au lieu que l’on perd tout sous l’appas d’un gain médiocre & momentané.

La méthode que je viens d’indiquer peut encore avoir un autre avantage, puisque sans défrichement, au moins de quelques années, elle peut tous les ans donner une récolte abondante de jeunes pousses dont on peut, à l’exemple des pisans, en retirer un très-bon fil, moins bon à la vérité que celui du lin & du chanvre, mais qui ne laisseroit pas cependant de devenir une ressource annuelle dans les pays naturellement pauvres, & tels sont pour l’ordinaire ceux où les genêts fourmillent le plus.

On lit dans le Journal Économique du mois de novembre 1756, un extrait des papiers publics, publiés en Italie, qu’au levant de Pise, au pied du mont Casciana, il y a des sources thermales dont les eaux servent à rouir les jeunes tiges des genêts.

« Sa graine, dit l’auteur, mûrit au mois d’août ; on la recueille alors & l’on sépare les plus beaux brins, après les avoir mondés des petits bourgeons ou brins naissans qui s’y trouvent. Ces brins choisis sont mis au soleil pour sécher, & l’on prend garde que la pluie ne tombe point dessus. Lorsqu’ils sont secs,