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genêts qui y créent la terre végétale ou humus ; (voyez le dernier Chapitre du mot Culture) ce sont leurs racines qui, entremêlées avec le sol, forment autant de liens ; ce sont ses feuilles, ses graines qui attirent les oiseaux & les insectes dont les excrémens & les dépouilles fournissent la matière graisseuse animale qui doit se combiner avec les principes salins de la terre pour former l’essence savonneuse de la sève. (Voy. les mots Alterner, Amendemens, Engrais). Insensiblement de nouvelles plantes couvriront le sol de la circonférence des genêts, rendront à la terre plus de principes qu’elles n’en auront reçu, & peu à peu lui procureront un certain degré de fertilité.

Je sais que dans plusieurs provinces, lorsqu’on veut mettre en valeur ces terres, après deux, trois, quatre ou cinq ans, on coupe, on arrache les genêts, on en fait des monceaux qu’on recouvre de terre lorsqu’ils sont secs ; enfin le feu les réduit en cendres, & la terre & la cendre sont éparpillées le plus également possible sur le champ. Voilà un écobuage en règle. Je ne répéterai pas ici ce qui a déjà été dit : l’écobuage est plus nuisible que profitable. (Voyez au mot Écobuage cet article essentiel).

J’ai conseillé de retourner plutôt la terre & d’enfouir l’herbe ; on doit pratiquer la même opération pour les genêts. On ne manquera pas d’objecter que cette opération est impossible, puisque la charrue, même la plus forte, ne parviendra jamais à enterrer les rameaux & les pieds des genêts ; enfin, qu’un pareil labour remuerait la terre trop profondément, & par conséquent que la première pluie un peu forte en entraîneroit la majeure partie. Je conviens de la vérité de ces objections très-solides & judicieuses en apparence ; mais il faut faire les observations suivantes.

Dans les champs plats ou peu en pente, rien n’empêche de labourer profondément, & on peut donc enterrer les branches & les débris des genêts. Le tronc & les racines resteront. Voilà du bois de chauffage tout trouvé pour une métairie ou pour les pauvres. On peut encore les faire brûler pour en retirer les cendres, & des cendres, par la lixiviation & par l’évaporation, le sel qu’on vendra aux apothicaires ou aux verreries. Ces labours doivent être donnés avant l’hiver & même en été, pendant un temps humide, afin que la chaleur & l’humidité concourent ensemble à une plus prompte putréfaction des branches, feuilles & débris des genêts ; d’ailleurs la graine de plusieurs plantes aura le temps de germer avant l’hiver, & lorsqu’on labourera ensuite en février, mars ou avril, suivant le climat, cette herbe sera de nouveau enfouie & donnera une nouvelle terre végétale.

Sur les coteaux dont la pente est très-rapide, c’est la plus mauvaise de toutes les spéculations de vouloir les soumettre à la culture du seigle, du blé noir ou sarrasin. On aura, il est vrai, une récolte ou deux, fie la terre disparaîtra pour laisser le rocher à nu. (Voyez le mot Défrichement). Il vaut bien mieux semer du gland, des châtaignes, des graines de farine ou hêtre, du bouleau, &c. en un mot, celle de