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produite par le dégel, & qui se convertit tout d’un coup en glace dans le moment où toutes les parties sont attendries par la douce chaleur du dégel, est le principe des ravages affreux qui détruisent presque tous les végétaux dans ces circonstances.

Les fruits ne sont point à l’abri des funestes atteintes de la gelée ; ils se gèlent & se durcissent pendant les hivers qui sont un peu rudes, lorsqu’on n’a pas eu soin de les en préserver. Dans cet état, ils perdent ordinairement tout leur goût ; & lorsque le dégel arrive, on les voit le plus souvent tomber en pourriture ; les parties aqueuses, qu’ils contiennent en grande quantité, étant changées en autant de petits glaçons dont le volume augmente, brisent & crèvent les petits vaisseaux qui les renferment ; ce qui détruit l’organisation.

Si l’excès du froid entraîne différens accidens par l’excès de la gelée, il est des circonstances où une gelée, par un temps sec, peut être favorable ; elle divise les mottes de terre mieux que le meilleur labour, & fait périr un grand nombre d’insectes qui ne s’étoient pas retirés assez profondément dans la terre pour se mettre à l’abri. Comme ordinairement une belle gelée s’établit par le vent du nord, l’air est plus pur & plus propre à l’économie animale. (Voyez les mots Air & Froid) M. M.

J’ajouterai quelques observations à ce que M. Mongez vient de dire sur la gelée. J’ai remarqué que, dans les années où les gelées blanches survenoient de très-bonne heure en automne, & qu’elles faisoient tomber les feuilles, & si la terre étoit humide, les arbres & les plantes souffroient beaucoup du froid de l’hiver suivant. La raison en est, je crois, que ces arbres sont restés chargés intérieurement d’une humidité surabondante, & qui n’a pas pu ensuite être transpirée par les feuilles, puisque la gelée les a fait tomber de trop bonne heure. Dès-lors l’aquosité de l’arbre, l’humidité concentrée dans tous les pores du bois, ont donné plus de prise à l’action du froid qui, en glaçant ces molécules aqueuses, leur a fait occuper un plus grand espace, & déchirer les espèces d’outres qui les renfermoient. Au contraire, lorsque les feuilles restent sur les arbres jusqu’à l’arrière-saison, ils perdent peu à peu leur humidité surabondante, & ne craignent plus le froid.

En 1756 ou 1758 (je ne me rappelle pas positivement laquelle de ces deux années) il survint de la neige & de la glace le 18 & le 20 Avril. J’avois plusieurs seigles qui commençoient à monter en épi, & l’épi étoit formé sur plusieurs : je fis étendre le cordeau du jardin, & le promener par deux hommes sur un de ces champs, afin d’abattre la neige & l’eau de celle qui commençoit à fondre. Après plusieurs allées & venues avec le cordeau sur chaque partie du champ, les épis, les tiges & les plus hautes feuilles ne se trouvèrent presque plus mouillées ; le soleil parut, fut chaud, & malgré cela le seigle fut conservé ; il fut au contraire, très-fortement endommagé dans les endroits où l’on n’avoit pas passé le cordeau. L’effet de la gelée devient donc plus ou moins funeste en raison de l’humidité qui recouvre la plante.