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bien il prescrira au cultivateur le temps pour lequel il en aura besoin & en quelle quantité. J’ai d’ailleurs éprouvé qu’on peut conserver pendant quatre mois les racines fraîches dans un trou de trois pieds de profondeur où on les range lit par lit avec de la terre. » C’est ainsi que s’exprimoit M. d’Ambournai en 1763, & depuis cette époque, ce citoyen respectable a eu la satisfaction de voir la culture, dont il a été le promoteur, se multiplier en Normandie & y être d’un grand secours à la teinture de la prodigieuse quantité de toiles peintes, vulgairement appelées indiennes qu’on y fabrique. Plusieurs années après, le persan Althen établit, conformément à sa méthode, des garancières en Provence, en Languedoc, dans le Comtat Venaissin, &c. où elles réussirent à merveilles, de sorte que la culture de la garance est devenue indigène au royaume ; mais elle n’y est pas encore aussi multipliée qu’elle mérite de l’être. Il reste actuellement à parler de la dessiccation des racines & de la manière de les pulvériser.

1°. De la Dessiccation. C’est M. d’Ambournai qui parle. Les racines, en sortant de la terre, doivent être déposées sur des claies sous un hangar, à couvert du soleil & de la pluie & exposées au courant d’air. Elles y restent des quatre à douze jours suivant la saison & jusqu’à ce qu’elles soient devenues molles comme des ficelles, & qu’en les tordant on ne fasse plus sortir du jus. C’est-là le point à saisir pour brusquer la dessiccation, soit au grand soleil, soit dans des fours dont on vient de retirer le pain & dont on laisse l’étoupail entr’ouvert, afin que les vapeurs aient une libre issue. Il faut ordinairement qu’elles y passent deux fois de suite, & lorsqu’elles sont cassantes & sonnantes, presque comme des filets de verre, on les porte sur l’aire d’une grange où on les bat légèrement avec le fléau : ainsi brisées, on les vanne pour en séparer la terre & la sur-peau grise ou l’épiderme. On les jette à la pelle sur un crible d’osier très-incliné pour en assortir à peu près la grosseur, & enfin elles sont en état de passer au moulin.

Tel est l’unique secret qu’on a trouvé pour conserver la couleur jaune qui fait le mérite de la garance en poudre, au point qu’une nuance de plus ou de moins, la fait vendre 10 sols par livre de plus. Si on laisse languir & sécher en plein les racines sur les claies, elles deviennent rouges dans tout leur intérieur. Il en arrive autant si on les met au four ou au soleil après les avoir sorties de terre ; la poudre qu’on en fait est rouge, & quoique également bonne, le consommateur n’en veut point.

Lorsque l’on veut faire de la poudre de commande, qui se vend jusqu’à quatre francs la livre, on choisit les plus grosses racines, parce que ce sont celles qui donnent le plus de poudre jaune, & on les fait moudre séparément ; mais soit qu’on ait fait ce choix ou non, la manière de moudre est toujours la même

2°. De la Pulvérisation des racines. C’est le sieur Althen qui parle en ce moment, & il s’expliquoit ainsi dans son Mémoire imprimé en 1771 : « Deux choses sur-tout sont nécessaires pour que les garances donnent