Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reuse circonstance ; mais quand elle se présente, il faut laisser à chaque couche un brin qui s’élève verticalement & ne la point coucher, car il faut s’occuper toujours de la perfection des racines qui est la partie la plus utile de cette plante. » Il est constant, que par la méthode décrite par M. Duhamel, d’après les cultures en usage dans différens cantons, on multiplie singulièrement les petites racines ; mais il est bien prouvé par les expériences de M. d’Ambournai, que ces petites racines, à volume égal, fournissent moins de teinture & d’une quantité inférieure à celle des grosses racines. M. d’Ambournai conseille avec raison de cultiver les pieds de garance comme les haricots, le maïs, par sillons, & de chausser les plantes avec la terre voisine autant qu’on le pourra.

IV. De la récolte de la Garance. Les flamands récoltent dix-huit mois après avoir semé ; cependant il est en général beaucoup plus profitable de récolter à la fin de la troisième année, parce que les racines sont plus fortes & plus imprégnées de parties colorantes ; cependant les flamands n’ont pas tort. Cette espèce de contradiction est une affaire de calcul. En Flandre, les terres ne reposent jamais ; elles sont toujours remplies ou d’une espèce de plante, ou d’une autre. D’après cela, il est aisé de concevoir quel est le prix de leurs terres & la valeur de leurs produits. L’expérience leur a prouvé que la terre occupée plus de dix-huit mois par la garance, ne leur rapportoit pas autant que les autres récoltes, & qu’en attendant la troisième année, ils étoient réellement en perte. L’exemple des flamands prouve pour la Flandre & non pour les autres provinces du royaume où le terrain n’est pas aussi précieux, puisqu’il est bien démontré que la garance arrachée la seconde année, diminue de moitié le bénéfice qu’elle auroit donné à la fin de la troisième ; toutes les expériences des agriculteurs ont confirmé cette assertion, & sur-tout celles de M. d’Ambournai qui sont d’un très-grand poids, puisque personne n’a suivi avec plus de zèle cette culture & cette branche de commerce. Le gouvernement fit imprimer au Louvre son Mémoire en 1771.

La culture du sieur Althen favorise singulièrement l’extraction des racines de garance, puisque la terre de la plate-bande de six pieds a servi à chausser celle de quatre ; voilà donc une fosse déjà toute faite & dont la base est presqu’à niveau des premières racines. Il s’agit de la creuser un peu plus afin d’avoir toutes les racines sur leur plus grande profondeur. Alors on attaque à pic la masse, la terre est jetée par derrière, & avec un peu de soin il est possible de ne pas laisser la plus petite racine.

Le vrai temps d’arracher est au mois d’octobre de la troisième année, c’est-à-dire, deux ans & demi après les semailles, & trois ans après la replantation. On gagneroit beaucoup à laisser encore pendant une année la garance provenue du semis à demeure.

C’est au moment de l’opération qu’il faut choisir les plants enracinés pour établir de nouvelles garancières dans un terrain préparé exprès & tout prêt à les recevoir,