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qu’on la voit croître spontanément dans nos provinces méridionales, sur les lisières des bois & dans les buissons, malgré les chaleurs & la sécheresse du climat.

Lorsqu’au temps de la récolte on trouve à 18 ou à 24 pouces en terre des racines nombreuses& bien nourries, n’est-on pas amplement dédommagé de l’excédent de dépense occasionné par une fouille plus profonde ? En un mot, je ne vois aucune bonne raison pour ne pas laisser prendre aux racines leur plus forte grosseur & leur plus grande expansion. La multiplicité de petites racines n’assure pas le bénéfice, c’est la multiplicité des grosses ; & dès que les progrès d’une grosse racine sont arrêtés, elle est forcée de le charger en chevelus. La méthode des Levantins me paroît réunir tous les avantages.

II. De son établissement. Il y a deux manières de le former, ou en semant à demeure, ou avec de jeunes plants bien enracinés.

Dans nos provinces du nord, dans celles qui sont tempérées, & dans celles où les pluies ne sont pas rares, je préférerois la première méthode ; & la seconde, pour celles du midi, à moins qu’on ait la facilité d’arroser la garancière, comme il sera dit au mot Irrigation. Cet avis est fondé sur ce que la réussite d’une garancière dépend principalement des succès de la première année, parce qu’à la seconde & à la troisième les racines n’ont plus la même facilité pour travailler, puisque la terre a été affaissée par son propre poids & par les pluies. Je conviens qu’on doit donner des labours, mais ils ne vont jamais assez bas.

Il vaut mieux à tous égards, semer à la volée, ou par raies, que de replanter ; 1°. la transplantation a beau être faite, avec le plus grand soin, il est bien difficile de ne pas rompre le pivot de la racine ; dès lors on obtient plus de racines latérales ou chevelues. 2°. Quand on auroit à son commandement la saison, une plante souffre toujours de la transplantation, sur-tout dans les travaux en grand, où il est impossible d’apporter des attentions qui sont peu du goût & du génie du paysan cultivateur ; 3°. enfin, l’année du semis en pépinière est un temps perdu, puisqu’on ne doit compter l’âge de la garancière pour l’enlèvement des plantes, que du jour de leur transplantation.

La pépinière au contraire devient, pour ainsi dire, indispensable dans nos provinces du midi, lorsqu’on n’a pas la faculté d’arroser la garancière au moins pendant la première année ; il y arrive trop communément qu’il ne tombe pas une goutte de pluie pendant six à sept mois, & souvent davantage. Il est donc impossible, dans cette circonstance, qu’une garancière y réussisse ; il faut donc recourir à la pépinière, parce qu’elle est supposée établie dans un sol préparé convenablement & susceptible d’être arrosé & travaillé au besoin. Les écrivains sur l’agriculture ne font point assez d’attention à la diversité des climats, & ils supposent toujours que le ciel & la température, & la fréquence ou la rareté des pluies, sont analogues, & en tout semblables à la température des pays qu’ils habitent. De-là naissent le discrédit de leurs ouvrages, & la fausseté des spécu-