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égards, sur-tout si on veut la cultiver en grand dans les provinces du midi. On pourroit même ajouter que toutes les plantes de la famille, que Rai a appelées stellatæ, & d’autres radiatæ asperi-foliæ, fournissent par leurs racines une teinture plus ou moins rouge, ou du moins, pour se servir des termes de l’art, susceptible de donner un pied de garance aux étoffes que l’on veut teindre en une couleur quelconque. La graine apportée de Smyrne ou du Levant, est appelée azala ou lizari, ou izari. M. d’Ambournay, secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture de Rouen, & si zélé pour les progrès de cette science, & par les expériences qu’il a faites, d’après la théorie la plus éclairée, a trouvé sur les rochers d’Oizel en Normandie, une garance qui n’est point inférieure à celle du Levant, & qu’il croit être la même espèce. On a semé au jardin du roi, à Paris, l’azala, venu directement de Smyrne, & on a reconnu que sa plante ne différoit pas de celle cultivée en Flandre. Il est donc très-fort à présumer que toutes ces garances sont spécifiquement les mêmes, & que si elles différent, c’est par quelques légères modifications. Le grand point, & le seul point essentiel, consiste dans la racine qui donne une plus ou moins belle teinture, suivant le sol dans lequel la plante est cultivée. Plus cette racine, & la plante luxurient, pour me servir des expressions de M. von-Linné, c’est-à-dire, plus elles prennent de grosseur, d’embonpoint, & plus la partie teignante devient abondante ; c’est le seul objet pour lequel on cultive cette plante. Il y a plusieurs méthodes de gouverner les garancières, il s’agit de comparer celle du Levant avec celles usitées en France.

I. Du sol d’une garancière. Je l’ai déjà dit, on peut établir un système général de culture, d’après la manière d’être des racines & du sol sur lequel les plantes croissent spontanément, & c’est le seul vrai système, parce qu’il ne tient en rien aux idées des hommes. Les racines de garance sont pivotantes, traçantes, fibreuses ; elles exigent donc une terre légère, douce, bien nourrie, légèrement humide, & qui ait du fond ; sans ces qualités les racines prendroient peu d’accroissement, & cependant le seul mérite de la plante consiste dans ses belles & nombreuses racines.

Il est clair, d’après ce qui vient d’être dit, qu’on ne sauroit défoncer trop profondément le terrain destiné à une garancière ; malgré cela quelques agronomes ont avancé qu’il suffisoit que la bonne terre eût un pied de profondeur, & pour base une couche d’argile, afin d’obliger les racines à s’étendre horizontalement, & à ne pas pivoter, afin d’augmenter le nombre des racines, & pour donner moins de peine dans la suite à en débarrasser la terre lors de la récolte. Ces assertions sont simplement spécieuses, & rien de plus ; une couche d’argile retient, dans la couche supérieure de terre franche, les eaux pluviales, & la plante craint la grande humidité, la stagnation des eaux, qui fait chancir & moisir ses racines. Sil ne s’agissoit pas de les augmenter, soit en nombre, soit en volume, un terrain ordinairement sec conviendroit à la garance, puis-