Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& le bout de la queue d’une goutte de cire d’Espagne ; après quoi mettant ces fruits dans un cornet de papier, ils font sortir ce fil par la pointe du cornet, pour les suspendre par là, le cornet étant bien fermé par les deux bouts, afin d’empêcher toute impression de l’air. »

Cette expérience bien simple prouve d’une manière démonstrative ce que nous avons dit au commencement de cet article, que l’action de l’air extérieur est le dissolvant des corps, & qu’on les conserve en interdisant toute communication avec lui ; du fruit placé sous le récipient d’une machine pneumatique, quand on a fait le vide, s’y conserve jusqu’à ce qu’on lui redonne de l’air.

« Nos paysans, qui ont quelquefois beaucoup de fruits, aux approches des fortes gelées, les couvrent d’une enveloppe bien épaisse de regain, qui n’a pas la même odeur que le foin (& qui n’est pas susceptible de fermenter comme lui par l’humidité) ; ils le laissent là, sans y toucher, jusqu’après les grandes gelées ; ils les découvrent alors, les changent de place, afin d’ôter tous ceux qui sont pourris… Les fruitières de Paris les couvrent de paille dessus & dessous dans les greniers ; si elles craignent la gelée, elles jettent sur cette paille un drap mouillé, qui reçoit la gelée, intercepte l’air, & garantit le fruit… Les curés de la campagne mettent leurs plus beaux fruits de réserve dans leur armoire ou dans les tiroirs d’une commode ; ils s’y conservent on ne peut mieux : quelques-uns les conservent dans de grandes boîtes couvertes ; ils y sont encore fort bien dans du son, lit par lit, ou dans du regain. »

Les souris & les rats sont les ennemis impitoyables des fruits ; on doit multiplier dans le fruitier les pièges & les appas destructeurs, & en faire la visite de temps à autre ainsi que du fruit.


FUIE. (Voyez Colombier).


FUMÉE, vapeur épaisse, aqueuse, saline, chargée d’air inflammable (voyez ce mot) qui s’échappe des corps en ignition ou fortement échauffés. La fumée est nuisible aux plantes qui sont perpétuellement dans son atmosphère, & elle devient très-utile dans le cas de gelées tardives, (voyez ce mot) qui attaquent les bourgeons des vignes & les arbres à l’époque de leur fleuraison.

Dans un hiver pendant lequel la neige couvrit plusieurs semaines les champs des environs de Paris, je m’aperçus qu’elle n’avoit pas sa blancheur éclatante, quoiqu’elle n’eût encore éprouvé aucune fonte : curieux d’en reconnoître la cause, je goûtai cette neige, & je lui trouvai le goût & une légère odeur de fumée : c’étoit du côte & plus loin que la Salpêtrière. Du côté opposé, c’est-à-dire, vers Montmartre, la neige étoit brillante, sans goût & sans odeur. Ce phénomène tenoit à la direction du vent, qui poussoit les fumées du nord au sud, & la neige, en tombant, s’imprégnait des qualités de la fumée. On ne doit pas conclure de ce fait que la neige soit nuisible à l’agriculture, parce qu’on ne brûle que du bois à Paris ; mais il est de fait notoire que les raisins des vignes qui couvrent le coteau, par exemple, de la porte de Vaise à Lyon, ceux de Givors, &c. ont un goût & une odeur de fumée, ainsi que le vin qui en