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tous les fruits ; & dans le midi, contre l’humidité, qui, une fois introduite, se dissipe difficilement, à moins qu’on ne renouvelle l’air, en ouvrant la porte ou la fenêtre, opération dangereuse, parce que le fruit craint singulièrement la transition d’une espèce d’air dans une autre.

Il doit en être d’un bon fruitier comme d’une glacière ; c’est-à-dire, qu’il faut nécessairement établir une espèce de tambour devant la porte d’entrée, & n’ouvrir celle-ci qu’après avoir fermé la porte du tambour, & refermer toutes les deux sur soi : voilà le meilleur garant contre le froid & contre l’humidité, surtout si les fenêtres ferment bien, & qu’entre le mur & leur cadre toute communication d’air soit rigoureusement interdite : un double châssis en papier ou un double vitrage devient nécessaire, suivant le climat ; d’où il est aisé de conclure que l’exposition du midi & du levant sont à préférer ; que celle du nord est funeste, & que l’on fera très-bien de choisir un emplacement abrité des coups de vents ; mais il importe fort peu que le fruitier soit dans une cave, au rez-de-chaussée, au premier ou au second étage, s’il est bien à couvert du froid, de l’humidité & de l’impression sans cesse changeante, suivant l’état de l’atmosphère. Voilà le vrai & unique secret pour conserver le fruit pendant des années entières. On achète du beau fruit au marché, on le sort parfaitement beau de son fruitier, & on est tout étonné, après quelques jours, de le voir noircir & passer promptement à la putréfaction, qui commence au centre, & gagne insensiblement jusqu’à la circonférence. La raison en est bien simple ; le bain d’air, si je puis m’exprimer ainsi, dans lequel le fruit étoit auparavant, n’est plus le même ; la constitution de l’air du fruitier étoit, pour ainsi dire, en équilibre avec les principes du fruit ; il étoit imprégné de sa transpiration ; le fruit étoit, à son niveau pour le degré de chaleur, &c. & par le changement de local, tout à coup l’équilibre est rompu, l’air intérieur air fixe (voyez ce mot) se débande, & comme il est le lien & l’ame des corps, tant qu’il y est concentré, la sortie donne lieu à la putridité, qui commence toujours par la d’agrégation des principes constituans des corps.

On doit éloigner le fruitier des fumiers, des écuries, de tout ce qui a une odeur forte quelconque, & il ne doit servir qu’à conserver le fruit ; le plus souvent, & très-mal à propos, il devient un lieu d’entrepôt, de garde-meuble, &c.

Les propriétaires en état de faire de la dépense, & chez qui tout luxe est recherché, pourront le faire boiser & garnir de tiroirs tout autour, & non pas d’armoires, parce qu’en ouvrant les portes, on met à l’air une trop grande quantité de fruit ; les tiroirs sont plus commodes ; les trop vastes ont le même défaut que les armoires.

Les propriétaires qui pourront couvrir de planches les parois des murs & le carrelage, feront très-bien ; les moins aisés se serviront de nattes de paille, de jonc, &c, ; ils établiront plusieurs rangs de tablettes, les uns sur les autres, de deux à trois pieds de largeur, & environnés de toutes parts d’un petit rebord. Il est essentiel qu’on puisse tourner tout autour ; elles ne seront