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croître en long, il faut nécessairement qu’elles demeurent ainsi courbées, & que se nourrissant dans la suite, elles s’étendent seulement en rond avec le parenchyme. » Sur la manière de conserver les fruits, consultez l’article suivant. M. M.


FRUITIER, FRUITERIE. Lieu où l’on garde & où l’on conserve les fruits. La meilleure cave est le meilleur fruitier. Cette assertion doit paroître paradoxale à bien des gens ; il s’agit de s’entendre. La meilleure cave (voy. ce mot) est celle qui est sèche, assez profonde en terre pour que la chaleur de son atmosphère s’y soutienne d’une manière invariable, pendant l’été comme pendant l’hiver, entre le dixième & le onzième degré au dessous de zéro du thermomètre de M. de Réaumur, qui correspond au quarante-huitième ou quarante-neuvième de celui de Farenheit ; il faut encore que le mercure dans le tube du baromètre, (Voyez ce mot) y éprouve très-peu de variation. J’ai déjà dit plusieurs fois, dans le cours de cet Ouvrage, que les perpétuelles alternatives du chaud & du froid, du sec & de l’humide de l’air atmosphérique, étoient les agens dont la nature se servoit pour hâter la décomposition des corps par la d’agrégation de leurs principes ; le froid les resserre, la chaleur les dilate, le sec de l’air attire l’humidité de végétation du fruit, & comme tous les fluides cherchent à se mettre en équilibre, le fruit, à son tour, attire l’humidité de l’air, lorsqu’elle est surabondante. Il y a plus ; l’électricité de l’air contribue singulièrement à la putréfaction des fruits ; si cette électricité est de quelque durée, le fruit mûrit & tombe plutôt de l’arbre ; si des coups de tonnerre redoublés surviennent, & même sans être accompagnés de coups de vents, presque tous les fruits qui approchent de leur maturité sur l’arbre, tombent & se corrompent promptement. Il est de fait que les brouillards secs qui ont commencé à se manifester en Languedoc, depuis le 10 juin 1783 jusqu’à la même époque en juillet, ont tellement influé sur les fruits, les châtaignes, &c. qu’il a été impossible de les conserver, & qu’ils ont été beaucoup plutôt mûrs qu’à l’ordinaire ; très-peu d’œufs de dinde, de pigeons, de poules, &c. ont pu éclore. J’ignore si, dans les autres provinces, on a fait la même observation, mais elle est exacte pour le bas-Languedoc.

Si le raisonnement & l’expérience prouvent l’action directe de l’air sur les fruits, il est donc clair que la meilleure cave deviendra le meilleur fruitier : cependant, comme il est très-difficile de se procurer des caves aussi parfaites, examinons les ressources qui restent pour l’établissement d’un bon fruitier.

Le premier objet à examiner est la constitution habituelle de l’atmosphère du climat que l’on habite ; car toute loi générale est ridicule. Dans nos provinces du nord, on a à redouter l’humidité & le froid ; dans celles du midi, l’humidité passagère, mais excessive pendant quelques jours seulement, lorsque les vents du sud, sud-est & sud-ouest soufflent en hiver, & souvent des hivers trop doux & trop venteux par rafales.

Dans le nord, on doit prendre les plus grandes précautions contre le froid, qui, dans une nuit, détruit