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grain. Je dois ce témoignage à la vérité, & il confirme la méthode de M. Parmentier.

« Si le charançon, continue M. Parmentier, ne peut soutenir l’épreuve du feu sans périr, ce n’est pas à la chaleur qui y règne qu’il faut attribuer cet effet, parce qu’elle égale tout au plus celle de l’étuve, mais bien à la forme de cet instrument, dont la chaleur réfléchie de toutes parts, se porte sur l’animal, raréfie l’air qui l’environne, & le fait périr suffoqué à peu près de la même manière que dans des vaisseaux de verre luttés ou renfermés dans des sacs de papier. »

» Dans l’étuve le charançon ne reçoit pas l’action du feu immédiatement ; la vapeur humide qui s’exhale du grain partage la chaleur, & lui sert comme de bain, dans lequel l’insecte nage, pour ainsi dire, & respire, au lieu que lorsqu’il est isolé & renfermé dans un petit espace, l’air perd bientôt de son ressort & de son élasticité, en se raréfiant par le feu, & se chargeant des émanations de l’animal, qui ne tarde pas à périr étouffé. »

§. III. Méthode de M. Bucquet.

M. César Bucquet, ancien meunier de l’hôpital général de Paris, un des premiers & des plus zélés promoteurs de la mouture économique, malheureusement trop peu connue dans les provinces, voulant porter du secours à des blés qui commençoient à se gâter, s’exprime ainsi dans son Traité pratique de la conservation des grains & des farines & des étuves domestiques : « Je n’étois pas assez riche pour construire une étuve qui fût bien dispendieuse, il me la falloit simple & aisée à conduire, & telle qu’elle pût étuver beaucoup de blé à la fois. Ma maison avoit quatre étages, c’étoit par conséquent quatre planchers qu’elle offroit pour mon opération ; en ajoutant dans chaque étage plusieurs rangs de tablettes les unes au-dessus des autres, je me procurois encore des planchers nouveaux ; il ne s’agissoit plus que de placer au rez de-chaussée un poêle dont le tuyau les traverseroit tous pour les échauffer ; ou tout au plus, si le poêle ne suffisoit pas, d’en ajouter un second dans un des étages supérieurs ; & pour me garantir des dangers du feu, d’entourer le tuyau de quelques pouces de mortier & de briques, aux endroits où il perçoit le plancher. Tout cela étoit peu dispendieux, & encore une fois, c’est ce qu’il me falloit. Pour échauffer mon étuve, il ne m’en coûte que trois ou quatre sols de bois par setier, & tout au plus cinq les jours où il faut allumer le poêle pour la première fois. Dans les provinces où l’on brûle du charbon de pierre, on pourra tenter de s’en servir, & le chauffage ne coûtera peut-être pas alors un sol par setier. »

» Avant de porter à l’étuve des blés gâtés que je voulois rétablir, j’avois imaginé de les laver pour emporter le vice extérieur qui leur donnoit un mauvais goût ; mais ce n’eût point été assez de les passer plusieurs fois dans l’eau ; ce bain n’eût opéré que sur cette espèce de gangrène, qui étoit adhérente à la pellicule. Il falloit un remuement, un frottement assez forts pour l’enlever & la détacher. À ma place, des personnes opulentes auroient