Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peut-on déterminer d’une manière fixe quel doit être le diamètre d’une fosse, la grandeur & la grosseur d’un arbre une fois données ? Ceux qui sont les plantations à prix fait, & ceux qui sont accoutumés à faire travailler à la toise, prescriront des règles générales. Pour moi qui ne vois pas ainsi, je dis que la largeur & la profondeur dépendent 1°. de la qualité du sol, 2°. de l’état des racines.

Du sol. Plus le terrain est mauvais, maigre, dur, &c. plus la grandeur & profondeur doivent être considérables, toutes circonstances égales. Si le sol est bon, bien substantiel, les racines y travailleront, y trouveront une bonne nourriture ; & par conséquent, dans ce second cas, la fosse doit être proportionnée aux besoins de l’arbre.

Lorsque l’on a de grandes plantations à faire, la première loi est de connoître la qualité de la terre dans laquelle on veut planter. À cet effet, voici une règle qui me paroît démonstrative. Faites ouvrir de distance en distance des fosses d’égales grandeur & profondeur ; si la terre qu’on en retire s’enfle à l’air au bout de vingt-quatre, & qu’ensuite cette fosse ne soit plus capable de contenir toute la terre qu’on en a tirée, c’est une preuve que le fond est bon ; si au contraire la terre ne suffit pas pour remplir la fosse, & que quelques jours après elle se soit encore affaissée au-dessous du niveau, soyez convaincu que la qualité du fond est plus ou moins médiocre en raison de son affaissement.

Des racines. Je suppose que le prix fait ait été donné pour des fosses de six pieds de largeur sur trois à quatre de profondeur, & qu’on se propose d’y planter un arbre fruitier à plein vent & de grandeur ordinaire : certainement ce diamètre sera plus que suffisant pour un arbre tiré des pépinières, & dont on aura coupé, & abymé les racines sous prétexte de les rafraîchir ; mais l’homme jaloux de la prompte reprise de ses arbres, & sur-tout de leur prospérité, exigera du pépiniériste, & obtiendra, s’il le peut, que l’arbre soit enlevé de terre avec toutes ses grosses & petites racines, & sur-tout avec son pivot ; dès-lors la fosse de six pieds de diamètre ne sera pas assez profonde pour recevoir le pivot, ni assez large pour contenir les racines & leurs chevelus. Il faudra donc de toute nécessité approfondir & élargir la fosse. Je l’ai déjà dit & je ne cesserai de le répéter toutes les fois que l’occasion s’en présentera ; ou ne plantez pas, ou plantez bien, & laissez dire sur-tout les pépiniéristes, parce qu’en coupant de près les racines, en les mutilant, ils ont plutôt enlevé six & huit arbres de terre, qu’un seul avec les précautions que je demande, & qui sont indispensables si on veut avoir de beaux arbres & qui subsistent long-temps. Il n’est pas de son intérêt de travailler autrement, & voici le raisonnement qu’il fait : Je fournis aujourd’hui deux cents pieds d’arbres, il en faudra au moins vingt à trente chaque année pour remplacer ceux qui mourront, & cette plantation devient pour moi un viager. En effet, quel est le fruitier un peu considérable, même supposé tout planté en même-temps, où il ne faille pas chaque année renouveler un grand nombre de pieds ?