Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même sans faire tourner la caisse & à plus forte raison en lui imprimant un mouvement rapide de rotation, & on dépouille le blé de la poussière & autres petites ordures qui l’environnent.

M. l’Abbé Villin propose de faire des paniers en forme d’entonnoirs, avec de la paille de seigle ; leur pointe est tournée en haut & fermée au moyen d’une petite planche qui glisse sur des coulisses ; elle s’ouvre aisément lorsqu’il s’agit d’ôter le grain pour le remuer & pour le vider. Ces paniers sont suspendus & attachés à des traverses de bois, ils contiennent deux septiers & demi, mesure de Paris. On établit perpendiculairement dans le milieu une espèce de tuyau, également fait de paille, qu’on assujettit au fond ; l’air qui pénètre à travers les brins de paille circule de toutes parts entre les différentes couches, & il tient le froment conservé, sec & froid.

Si on a une provision de sacs assez considérable, on peut les remplir & les isoler les uns des autres, au moyen d’une boule ou d’un morceau de bois que l’on place entre-deux. Comme les sacs remplis de grains sont plus larges à l’extrémité inférieure qu’à la supérieure, ils se trouvent naturellement isolés dans toute la circonférence, & par ce moyen l’air circule naturellement tout autour. M. Brocq, directeur de l’École de Boulangerie de Paris, en apperçut le premier le mérite & le bon effet par des expériences variées & comparées, qui ne permettent plus de douter de son efficacité.

Il est facile d’imaginer en ce genre plusieurs nouvelles espèces de ventilateurs ; les plus simples, les moins coûteux seront les meilleurs pour les petits particuliers.

Tous ces moyens sont bons, ils épargnent beaucoup de peine ; cependant ils ne dispensent pas du pellage ou palleyage. (mots également usités dans les provinces) Cette opération consiste à faire passer successivement le grain d’un lieu sur un autre, ou d’un grenier supérieur dans un grenier inférieur. Dans le premier cas, les tuyaux placés dans les larmiers & qui correspondent à la nouvelle place où l’on jette le grain, produisent un très-bon effet, parce qu’ils introduisent un courant d’air frais entre les couches du monceau que l’on établit… Dans le second cas, le grain en tombant se rafraîchit ; mais je voudrois que dans l’endroit où il tombe, on établît un couloir, & contre ce couloir un moulinet à grandes ailes, semblable à celui du blutoir déjà cité, qui porteroit un courant rapide dans une partie du couloir, & chasseroit, par l’ouverture opposée, tous les mauvais grains, les poussières, les pailles, les débris, les excrémens des insectes, &c. ; ces derniers sont les grands promoteurs de la fermentation & de la fermentation putride.

C’est sur-tout pendant la première année que le froment fermente si on ne le travaille pas continuellement : oublié dans le grenier, il se recouvre d’une espèce d’humidité, & l’eau étant le conducteur de l’électricité, il survient aux grains ce que nous voyons arriver à certains corps fermentés ou fermentescibles, qui, en temps d’orage passent à la putréfaction avec une rapidité incroyable.