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de chercher une paisible retraite, & de s’y métamorphoser en chrysalide.

Section II.

De l’échauffement du Blé, occasionné par les insectes.

On aura beau avoir récolté le blé par un temps sec, monté les gerbiers avec le plus de soin, battu, vanné & criblé pendant la plus grande ardeur du soleil ; en un mot, on aura pris les plus grands soins pour qu’il ne soit, dans aucun cas, frappé par la pluie & attaqué par l’humidité, le blé ne s’échauffera pas moins dans le grenier, huit ou quinze jours ou trois semaines, ou un mois après l’y avoir porté. La chaleur en sera vive & forte, elle surprendra lorsque l’on plongera la main dans le monceau, & on sera tout étonné, en y plaçant un thermomètre, de voir la liqueur y monter à 24, 30, 36 degrés & même plus. Qu’arrive-t-il ? Aussitôt tous les valets sont en mouvement ; armés de pelles, ils changent le blé de place, diminuent l’épaisseur du monceau, une odeur forte les suffoquent, la poussière qu’ils respirent picotte leurs gosiers, ils toussent, leurs yeux sont larmoyons, & la chaleur paroît dissipée. La surprise augmente encore trois à quatre jours après, parce que la chaleur se renouvelle comme auparavant, & malgré le remuement, elle se soutient plus ou moins forte pendant un mois ou six semaines, & le grain contracte une odeur désagréable qu’il ne perd jamais.

Dans cette circonstance je me suis servi du blutoir, Fig. 2, Pl. XI, pag. 300 du second Volume, pour passer tout mon grain. Je rafraîchis le grain par cette opération, & le séparai de la quantité prodigieuse d’excrémens d’insectes, de leurs dépouilles, des grains dévorés ou entamés ; mais ces mêmes blés reportés dans le grenier, s’y échauffèrent tout de nouveau, beaucoup moins à la vérité que ceux du grenier voisin qui étoient remués chaque jour. Cet échauffement ne tient point au grain comme grain, puisqu’il est supposé très-sec, mais uniquement au développement des papillons, à la chaleur que chaque chenille renfermée dans le grain lui communique ; & de ces chaleurs partielles il en résulte une chaleur totale plus ou moins forte, suivant que le nombre des fausses teignes est multiplié. Je crois aussi que leurs excrémens, quoiqu’ils paroissent secs, & sous une forme pulvérulente, rougeâtre & très-fine, y contribuent pour beaucoup. Les vents du nord & secs retardent les premiers échauffemens, les diminuent lorsqu’ils sont en train ; les vents du midi au contraire, & humides tels qu’ils le sont toujours dans les provinces peu éloignées de la mer, accélèrent l’échauffement, l’augmentent de beaucoup, & le renouvellent lorsqu’il est cessé, parce qu’alors il éclôt un plus grand nombre d’œufs, & les ravages dans l’intérieur du grain se multiplient. L’échauffement cesse dès que la chaleur de l’atmosphère se soutient au-dessous de dix degrés environ, & il est nul pendant l’hiver. Cependant il se renouvellera au printemps suivant, si la ponte des œufs de l’automne a été considérable. Les académiciens déjà cités,