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peu son humidité superflue, & ne diminue pas autant de volume que le blé qu’on se hâte de battre. De cette diversité de positions naît la diversité dans la formation des gerbiers, afin de mettre le grain à l’abri de la pluie & de l’humidité, quoique exposé au grand air. Il y a très-peu de fermes, de métairies, pourvues de granges à blé ou de hangars ; il faut donc que l’industrie y supplée.

Ceux qui tardent le moins à battre, cherchent peu de façon dans la construction de leurs gerbiers, & ils ont le plus grand tort, parce qu’ils ne sont pas les maîtres des saisons : les gerbes, il est vrai, sont amoncelées ou en rond, ou sous une forme quarrée ou alongée, terminée en pointe, & couronnée par des gerbes dont les épis sont en bas, & souvent en haut : qu’il survienne un coup de vent, une pluie d’orage ou long-temps continuée, le chapeau du gerbier est dérangé, la pluie pénètre dans l’intérieur, le grain moisit, germe ; & un peu plus d’attentions, un peu plus de peines auroit prévenu ces fâcheux accidens. On se flatte de jour en jour que le temps se mettra au beau, la pluie continue, les vœux inutiles ne remédient pas au mal, & le dégât devient général. On ne peut même restreindre ses progrès, qu’en se déterminant à enlever toutes les gerbes mouillées, les remplacer par d’autres sèches, & faire un nouveau couronnement ; quel paysan se déterminera à ce travail ! Cependant dans le principe, une journée ou deux, & quelques attentions de plus, auroient assuré la tranquillité du propriétaire, & prévenu la détérioration de la récolte ! Tout se fait à la hâte, & tout se fait mal.

Soit que l’on batte aussitôt après la moisson, soit que l’opération soit différée, Propriétaires, veillez vous-mêmes à la construction de vos gerbiers, votre fortune en dépend. De ces généralités passons à la pratique.

I. Du sol sur lequel reposent les gerbiers. Ils doivent, autant que faire se peut, & jusqu’à un certain point, environner l’aire, (Voyez le mot Battage, où il est question de l’aire) & oublié dans le premier volume ; mais il est essentiel de laisser ouverts les deux côtés par où soufflent les vents dominans du canton, afin de vanner avec facilité. La place du gerbier sera tracée avant de le commencer, & tout autour régnera un petit fossé avec son écoulement. La terre qu’on en retirera, servira à élever le sol ; de cette manière les eaux pluviales s’échapperont, n’imbiberont pas le sol, & ne le rempliront pas d’humidité. Un autre moyen bien simple & plus avantageux, consiste à placer, de distance en distance ; sur ce sol, des pièces de bois équarries, de quelques pouces d’épaisseur, & ensuite de les couvrir avec des planches. La paille ou les gerbes ne toucheront point à la terre ; il régnera sous ce plancher un courant d’air qui dissipera l’humidité, & les gerbes seront toujours au sec, quelque temps qu’il fasse. On objectera la dépense que ces précautions entraînent : c’en est une, j’en conviens ; mais une fois faite, c’est pour un très-grand nombre d’années, si après le battage général on a la petite attention de renfermer ce plancher dans un lieu sec,