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ne fait pas la plus légère attention à son travail. On ne dira pas que les provinces citées ne soient pas des pays à fromens, puisque les fourrages & les blés y sont les deux premières récoltes.

On ne manquera pas d’objecter (car que n’objecte-t-on pas) que les blés semés dans des terres unies, comme la surface d’une prairie, sont susceptibles de recevoir la faulx. La remarque est simplement spécieuse : la surface des terrains est inégale, ou par les cailloux qui l’excèdent, par les pointes de rochers, par les mottes soulevées dans un labourage fait à contre-temps ; les premiers supposent que le champ a été mal hersé après les semailles ; les seconds, que le champ est naturellement mauvais, & les troisièmes accusent la négligence du cultivateur qui n’a pas fait briser les mottes après avoir ensemencé. On veut rendre l’usage de la faulx responsable du peu d’attention du propriétaire, au moins dans le premier & dans le dernier cas. Quant au second, si tout le champ est parsemé de pointes de rochers en nombre presqu’équivalent à celui des épis, ou à-peu-près, je ne vois pas comment on aura pu le cultiver. C’est ici le cas de se servir de la faucille & même de la faulx, dans les deux premiers, si l’ouvrier sait la manier, parce que, en élevant un peu son coup, le tranchant évitera la pierre ou le petit monceau de terre. Qu’est-ce que ce petit nombre d’exceptions de tels champs, en comparaison de la prodigieuse multitude de ceux qui sont naturellement unis à la surface ? il est inutile d’insister plus long-temps sur ces objets.

Le moment de couper le blé est indiqué par la couleur de la paille, de l’épi, & par la consistance du grain ; on ne doit cependant pas attendre qu’il soit durci dans sa balle, sans quoi, si la journée est chaude, on court le risque d’en perdre la moitié. Le propriétaire d’un petit champ qui peut & qui veut ne rien perdre, commencera à moissonner dès la pointe du jour, & finira à neuf heures du matin ; il recommencera à cinq heures du soir, & la nuit arrêtera son travail. La fraîcheur du matin & du soir, & la rosée renflent le grain, resserrent les balles, & les secousses de la coupe ne sont pas capables de les faire tomber ; il ne peut en être ainsi dans les grandes métairies, les journées entières sont trop courtes pour l’étendue & l’urgence du travail.

Si on donne à moissonner par prix fait quelconque, il faut faire attention que le nombre des ouvriers soit proportionné à la récolte, & qu’elle puisse être levée dans le moins de temps possible. Ce n’est pas le compte des ouvriers à prix fait, mais c’est celui du propriétaire. Plus il y aura d’individus ayant part au prix fait, moins il reviendra à chacun, c’est ce qu’ils savent très-bien ; & la perte que le maître souffrira de leur petit nombre, sera peu de chose pour eux, & n’équivaudra pas à celle qu’ils auroient souffert, si leur nombre étoit plus considérable. Il est naturel de combiner les intérêts du maître & des ouvriers ; mais il est en même-temps très-naturel que le maître y trouve son avantage, puisque souvent la perte d’un jour devient très-coûteuse. Écoutons parler Olivier de Serre, ses détails sont intéressans, & ce qu’il a dit dans son expressif