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perd souvent un cinquième ou sixième de sa récolte.

Quant au battage & au criblage, il importe peu à ces ouvriers que le grain reste dans l’épi, que le blé soit net, il n’en est pas moins payé, & c’est tout ce qu’il demande.

J’insiste sur ces objets, parce que voulant me convaincre de la méthode la plus avantageuse au propriétaire, je les ai toutes éprouvées, & j’ose assurer que la meilleure est de payer en blé ou en argent, en fixant le salaire sur la mesure. Dans ce cas l’ouvrier ni le propriétaire ne sauroient être trompés.

Les outils destinés à couper la moisson varient dans leur forme, suivant les provinces, (voyez leur description aux mots Faucille, Faulx) lorsque j’ai fait l’article Faulx, je ne connoissois pas celle qu’ensuite j’ai trouvée décrite dans le Journal Économique du mois d’août 1752 : en voici la description, & on la verra représentée dans la gravure du mot Instrumens d’agriculture.

» Nos moissonneurs (c’est l’auteur qui parle) ne peuvent embrasser de blé pour le scier, qu’autant que leur main peut en contenir, & leurs faucilles sont si recourbées, que dans l’ardeur du travail il arrive souvent qu’ils se coupent les doigts, &c. Les faucilles dont on se sert auprès de Constantinople, n’ont qu’une courbure médiocre, & telle qu’on la verra représentée. La lame n’est point arrondie, elle forme une espèce d’équerre très-évasée. Les ouvriers ont de plus dans la main gauche un outil de bois, dont le manche est percé de trois trous ; ils passent trois doigts de la main gauche dans ces trous, & embrassant avec la partie courbe, ou bec de cet instrument beaucoup plus d’épis qu’ils ne pourroient faire avec la main seule, il les contiennent avec le pouce, & les scient sans crainte de se couper les doigts qui sont garantis par le manche où ils entrent. Ainsi, travaillant avec sureté ils avancent leur ouvrage quatre fois plus vite qu’on ne fait parmi nous.

Si dans le pays que j’habite actuellement, j’avois le choix des méthodes pour couper les blés, je préférerois celle de la Flandre Françoise, du Hainaut, de l’Artois, &c. qui consiste à se servir de la faulx proprement dite, armée de playons ; c’est l’instrument le plus expéditif, celui qui couche, arrange & étend le mieux les tiges sur le sol qui égraine le moins l’épi, & coupe la paille le plus près de terre qu’il est possible ; mais comment dans ces cantons plus esclaves de la coutume que par-tout ailleurs, & où, malgré les écrits des des meilleurs agronomes, on ne connoît d’autres charrues que l’araire décrite par Virgile, pourrois-je trouver des ouvriers assez dociles pour se plier à mes volontés ? Plus les blés sont fournis, épais & serrés, mieux la faulx travaille. L’œil satisfait voit les tiges rester, pour ainsi dire, perpendiculaires, lorsque le tranchant les a coupées ; & s’incliner doucement sur les playons en raison de la pesanteur de l’épi & du vent qui les pousse : preuve démonstrative que la faulx scie avec célérité, presque sans aucune secousse, & que le contre-coup n’est pas capable d’égrainer l’épi. Quant à l’arrangement des pailles sur le sol, il est admirable, une paille n’excède pas l’autre, & si la lieuse d’un seul coup de main ne les ramasse pas toutes, c’est qu’elle