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reste dans le drap ne peut plus servir ; il en faut de nouvelle, si on veut faire une autre lessive. Quand on a des vaisseaux assez grands, on peut préparer à la fois une lessive pour plusieurs muids de semence ; il ne s’agit que d’augmenter à proportion les doses de cendres, d’eau & de chaux.

On peut, au lieu de former des lessives exprès, réserver les eaux qui ont servi à couler le linge, & qui tiennent encore en dissolution une partie du sel des cendres dont on s’est servi ; comme les cendres fournissent à peu près dix livres par quintal, on pourroit les remplacer par cette matière, ou même par la soude. C’est à l’économie éclairée de présider à ces substitutions ; pourvu que les ingrédiens qui entrent dans la lessive s’y trouvent avec les proportions indiquées, cela suffit.

Emploi de la Lessive.

On mettra la quantité de froment indiquée dans le tonneau ou la cuve qui contient la préparation de lessive ; on remuera avec un bâton, & on écumera les grains légers & nuisibles qui montent à la surface ; de petites corbeilles à deux anses, de huit à dix pouces de profondeur, seront plongées dans la cuve ; on les y remplira de froment, qu’on remuera encore ou avec une écumoire ou avec un bâton court, au moment où on les enlèvera ; lorsqu’il sera bien égoutté, on l’étendra sur le plancher, afin qu’il sèche ; on le retournera au moins une fois par jour, jusqu’à ce qu’on le sème. Par cette méthode tous les grains de froment se mouillent & s’imprègnent de la lessive ; toute autre méthode ne remplit pas aussi bien l’objet, & c’est absolument la seule que les fermiers devroient adopter.

Lorsque la méthode préservation & le moyen de l’appliquer n’opèrent pas tout l’effet désiré, c’est que la chaux qu’on a employée ne valoit rien, ou qu’on en a diminué la dose, ou bien encore parce qu’on a négligé quelques soins dans la préparation de la lessive, ou de l’immersion de la semence ; car on ne peut plus douter qu’elles ne soient un spécifique infaillible, non-seulement contre les maladies du froment, mais encore contre celles des autres graminées.

Réflexions sur le remède des maladies du Froment.

On sent bien que si la lessive doit être généralement adoptée dans tous les pays à bois, comme la moins dispendieuse & la plus efficace pour l’objet qu’on a en vue, elle deviendroit impraticable à raison de son prix, dans les endroits où les cendres sont fort chères.

Dans tous les cantons où les cultivateurs sont à portée de se procurer de l’eau de la mer, ils s’en servent au lieu de lessive ; ailleurs c’est du sel marin ou du salpêtre qu’on fait dissoudre dans l’eau ; il y a des pays où l’on emploie l’urine & les fientes d’animaux putréfiées, la suie, la saumure, le jus de fumier, l’eau de mare, à la place des cendres ; mais, dans tous ces cas, il ne faut pas oublier d’employer la chaux ; sans elle, les sels, les matières végétales ou animales en putréfaction, n’auroient pas assez de corps & d’activité pour détruire les principes con-