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attribuée long-temps, sans M. Tillet, aux intempéries de l’air, aux brouillards, à la nature & à l’état des fumiers, aux rayons du soleil, aux influences de la lune, & à quelques autres raisons semblables aussi peu fondées.

La carie, si terrible dans son origine, devient moins pernicieuse pour la semence à mesure qu’elle vieillit ; mais il y a toujours lieu de présumer qu’elle ne se forme pas d’elle-même, qu’elle est un mal étranger à nos climats, & qu’elle n’y règne que par contagion.

CHAPITRE IX.

Méthode préservative des maladies du Froment.

Dès que M. Tillet eut reconnu que la carie, la maladie la plus formidable du froment, avoit la faculté de corrompre le grain le plus sain, il ne songea plus qu’à chercher son remède & ce ne fut pas infructueusement. De tous les moyens employés, aucun ne réussit mieux & plus constamment que celui composé de cendres & de chaux vive. Rappelons-en la préparation ici, on ne sauroit la mettre trop souvent sous les yeux du Fermier, puisqu’elle exige peu de soins de sa part, que la matière qui en est la base est toujours sous sa main ; que d’ailleurs l’application en est simple, facile & nullement dispendieuse : mais quand bien même les grains ne seroient pas infectés de carie, de charbon, ou de rachitisme, la lessive dont nous allons parler ne peut que leur être très-avantageuse, elle les fortifie & les met en état de résister davantage aux intempéries de l’air.

On choisit une des cuves destinées à couler la lessive ; on bouche l’ouverture à laquelle on est dans l’usage d’adapter un tuyau pour conduire l’eau dans la chaudière ; on met au fond de la cuve quelques petits morceaux de bois qui s’entrecroisent ; on garnit le surplus d’un drap de toile forte, de manière qu’il déborde par-dessus la cuve & à travers lequel il ne puisse passer que de l’eau ; on y met cent soixante livres de cendres de gros bois neuf, ou deux cents livres de cendres de petit bois & davantage si le bois qu’on a brûlé a été flotté, & trois cents vingt pintes d’eau, mesure de paris ; cette dose est pour huit setiers ou un muid de froment ; on laisse la cendre & l’eau pendant trois jours, ayant soin de remuer de temps en temps avec un bâton, ensuite on débouche le trou qui est à la partie inférieure de la cuve ; on ajuste à sa place le tuyau pour conduire l’eau dans une chaudière sous laquelle on doit faire du feu. Chaque fois que la chaudière est remplie, on en verse l’eau dans la cuve sur la cendre qu’on doit encore remuer plusieurs fois jusqu’à ce que tout soit chaud comme pour une lessive de linge.

Alors, au lieu de verser l’eau de la chaudière dans la cuve où est la cendre, on la verse dans une cuve vide ou dans des tonneaux ; mais lorsque l’eau qui sort de la cuve est sur sa fin, on en réserve une partie qu’on fait bouillir dans la chaudière même, en y jetant vingt livres de chaux vive, pour la faire dissoudre entièrement ; on mêle cette eau de chaux avec toute l’eau retirée auparavant de la cuve : la cendre qui