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ment ; le fourreau, la tige & les barbes ont une apparence saine, ce qui semble prouver qu’il n’y a exactement que le grain qui soit vicié.

Cette maladie se présente sous un aspect étonnant, l’épi tout entier se pourrit & se dessèche ; la partie farineuse du grain, ainsi que son enveloppe sont réduites en une poussière noire, fine, légère & comme brûlée ; il ne reste plus que le noyau, ou le squelette de l’épi qui se brise aisément ; cette poussière charbonnée, examinée au microscope, n’offre qu’un corps pulvérulent de différentes formes.

Une observation qu’il ne faut pas omettre ici, c’est que quand d’un pied de froment il sort une tige charbonnée, & que de cette même tige il en naît une autre qui en est totalement indépendante, cette tige secondaire est toujours affectée de charbon ; ce qui a lieu aussi pour le rachitisme & la carie.

La véritable cause du blé charbonné n’est pas encore bien connue : chacun a hasardé son sentiment : M. Tillet pense que cette maladie est décidée au moment où le grain germe, & il en a apperçu les premiers symptômes dans la racine ; les ravages qu’elle exerce sont bien plus considérables encore dans l’orge & l’avoine que dans le froment. Il n’est pas encore bien décidé que la poudre de charbon soit contagieuse pour le froment, & pour les autres graminées, cette inoculation paroît seulement plus difficile que celle de la carie.

Section III.

De la Carie.

La plus redoutable des maladies du froment, c’est la carie, appelée bosse, en quelques pays, & dans d’autres cloque ou chambucle ; les phénomènes qu’elle présente sont entièrement différens de ceux du rachitisme & du charbon ; ses suites sont aussi plus dangereuses, parce qu’elle paroît plus universellement & plus abondamment répandue.

Quoiqu’on distingue cette maladie avant le mois de février, les progrès de la végétation ne sont cependant point retardés. La tige est droite & élevée, les feuilles sont communément sans défaut ; mais à peine la floraison est-elle établie, que les épis cariés se font reconnoître par une couleur verte, les balles sont plus ou moins tachées de points blancs, les grains acquièrent un volume plus considérable que dans l’état naturel, la couleur est d’un gris-sale, tirant un peu sur le brun ; l’enveloppe est mince & moins forte.

Si on écrase le froment carié, on le trouve rempli d’une poussière noire qui exhale une odeur de poisson pourri ; vue au microscope, elle n’offre aucun mouvement animal ; c’est un amas de globules transparens, assez égaux entr’eux. C’est cette poussière qui étant répandue sur un grain parfaitement sain, le pénètre lorsqu’il commence à s’amollir, imprègne de son poison le germe naissant & perpétue dans la plante le venin subtil dont elle est le principe ; telle est la cause de la carie, que l’on auroit peut-être