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cette méthode soit suivie lorsqu’on arrachera les sujets de la pépinière ; mais à quelle dépense n’entraîne-t-elle pas pour ouvrir des fosses assez grandes & assez profondes, & capables de recevoir ce long pivot, en lui conservant sa direction perpendiculaire & toutes les racines horizontales. On demandera pourquoi ce grand attirail, puisqu’il ne s’agit pas d’arbres fruitiers ? Il n’est point de chênes venus dans un bon sol, & bien plantés, dont la coupe ne produise plus dans la suite, que toutes les récoltes prises ensemble de l’arbre fruitier ne produiront jamais ; on ne veut jamais voir que le moment présent, sans penser à l’avenir ; la dépense des grandes plantations est immense, & son produit souvent très-casuel. En effet, s’il survient une sécheresse, sur-tout si on avoisine les provinces méridionales, que deviendront ces arbres ? La moitié ou les trois quarts périront ; car je ne suppose pas qu’on veuille ajouter à la dépense première celle d’arroser : & encore, est-on le maître d’avoir de l’eau à la proximité ? Je souscris à cette multiplicité de frais, lorsqu’il s’agit de faire des avenues ; (voyez ce mot) mais alors c’est le seigneur qui travaille, & qui travaille en seigneur. Ici il s’agit de l’agriculteur. J’admets, pour un instant, que les trois quarts des arbres de cette forêt naissante aient bien repris ; malgré cela plusieurs périront à la seconde ou à la troisième année. Il faudra donc chaque année remplacer les arbres morts, & pour peu que leurs voisins prospèrent, la reprise des arbres replantés sera presqu’impossible. Les racines des voisins seront attirées par la terre nouvellement remuée, & rempliront la fosse avant que le sujet replanté en ait poussé de nouvelles ; elles l’affameront au point qu’il sera toujours languissant, enfin l’ombre des branches voisines privera ses jeunes pousses des influences de l’air & des bienfaits de l’atmosphère. Telle est la raison pour laquelle il est presqu’impossible de regarnir des clarières une fois établies dans les forêts. Cette loi s’étend même jusqu’aux allées en quinconce des promenades. Depuis le temps que l’on substitue de beaux sujets aux arbres morts dans les jardins des Thuileries, du Luxembourg, &c. on auroit eu de quoi former des forêts. Le résultat de tout ce travail se réduit à zéro ; l’arbre végète foiblement pendant la première & la seconde année, & il périt de misère à la troisième.

Le second obstacle qui s’oppose aux plantations en grand, vient des pépinières. Dans les environs de presque toutes les grandes villes, des hommes s’attachent spécialement aux semis, & à fournir des arbres de pépinières. Leur but unique est d’avoir promptement de beaux arbres ; dès-lors le choix de la terre, les engrais & les fumiers sont multipliés. Que l’on juge à présent combien les arbres que l’on enlèvera d’un sol pareil auront à souffrir dans les terrains maigres Si souvent secs & arides destinés aux forêts. (Voyez ce qui a été dit des pépinières au mot Châtaignier, page 162.)

Si on se contente de prendre dans les bois les sujets destinés à garnir la forêt, on trouvera très-peu de pieds, de brins ou de semences, & beaucoup de venus sur souche. Or, il est presqu’impossible que les uns & les autres soient arrachés sans