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la manière dont elle se forme, & sur ses effets.

On l’aperçoit d’abord sur les feuilles & sur les tiges, sous la forme de petits points d’un blanc sale : ces points s’étendent par degrés, & prennent une teinte roussâtre ; bientôt à l’endroit où ils paroissent, il se forme une poussière de couleur jaune oranger ou d’ochre, peu adhérente, inodore & sans saveur ; elle jaunit les doigts, s’attache aux habits des hommes & aux poils des animaux qui courent dans les champs : la paille en est sale, de mauvaise odeur, & déplaît aux bestiaux.

Tant que la rouille ne se montre que sur les feuilles, elle ne fait pas grand tort à la plante ; mais lorsqu’elle se communique au tuyau, & que l’épi est à peine hors du fourreau, si le soleil vient ensuite à paroître, le froment sur lequel il dardera ses rayons, se trouvera presque réduit à rien, & s’il approchoit au contraire de la maturité, il contiendra la farine en proportion : mais, au lieu du soleil, s’il arrive une rosée, de la pluie, ou qu’il fasse du vent, alors les germes de la rouille sont détruits, & le grain est sauvé.

Ne paroîtroit-il pas plus conforme à la saine physique & à l’observation, d’attribuer l’accident de la rouille à l’abondance d’un suc nourricier résultant d’une végétation trop vigoureuse, plutôt qu’aux brouillards, qui n’y ont aucune part directe ?

Dans les mois de mai & de juin, il règne quelquefois une humidité chaude qui dilate & brise le tissu des feuilles & des chalumeaux, donne occasion à l’épanchement d’un suc mucilagineux, qu’on nomme le miellat. (Voyez ce mot) Cette liqueur, par sa consistance & sa ténacité, bouche les pores de la plante, intercepte & arrête sa transpiration, mais la pluie lavant les feuilles & les tuyaux enduits d’un vernis muqueux, & le suc extravasé étant dissous & entraîné par l’eau, le mal n’est pas aussi considérable qu’on l’avoit d’abord appréhendé ; ainsi les dégâts qu’occasionne la rouille font plus ou moins de tort aux propriétaires, selon que les grains sont plus ou moins avancés.

Section III.

Des moyens de diminuer les accident du Froment.

Ce n’est pas toujours l’inconstance des saisons qui trompe l’espoir des cultivateurs ; la nature du grain dont ils se servent pour semence, & les précautions qu’ils y emploient, influent souvent autant que l’atmosphère sur la qualité & le produit de la moisson ; on ne sauroit donc trop recommander d’apporter les plus grands soins au choix des grains que l’on doit ensemencer, & de leur faire subir une préparation préliminaire avant de les confier à la terre. Cette préparation s’appelle le chaulage, parce que la chaux en fait la base. (Voyez le mot Chaulage) On en parlera encore lorsqu’il s’agira d’indiquer la méthode préservative des maladies du froment.

Comme un homme vigoureux, bien constitué & très-sain, n’est pas aussi susceptible des vicissitudes de l’atmosphère que celui qui est né foible & délicat, il en est de même des végétaux : le chaulage met le grain en état de germer aisément & promptement, de produire une plante plus forte, plus féconde, qui