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un temps humide, la racine est enlevée, mais la terre est piétinée, pétrie, comprimée, & le blé en souffre. Malgré cela il faut sarcler, parce que le pied des femmes & des enfans ne porte pas sur toute la superficie du champ, & aucun cultivateur n’est assez imprudent pour mettre les sarcleuses lorsque la terre est trop humide. Il convient de choisir les instans, & lorsqu’il s’en présente de favorables, c’est le cas de multiplier les travailleuses. Dépense pour dépense, il vaut tout autant la faire dans une semaine que dans un mois, & la célérité, dans tous les travaux de la campagne, est toujours un grand bien.

Il y a plusieurs manières de sarcler, ou en arrachant les plantes parasites avec la main, & on déchausse moins les racines du blé ; ou en se servant d’une petite pioche large d’un pouce, longue de trois à quatre, & fixée à un manche de deux à trois pieds. La première méthode est préférable, parce qu’elle détruit effectivement l’herbe, pour peu que la terre soit humide. La seconde est plus expéditive, & par conséquent moins dispendieuse ; mais elle ne produit presqu’aucun avantage réel. Si les femmes, les enfans piochetoient, cerfouissoient le champ d’un bout à l’autre, l’opération seroit plus coûteuse, mais excellente ; la plante & la racine seroient détruites ; mais les travailleuses se contentent de couper entre deux terres la tige près de la racine, & ce travail devient nul pour la majeure partie des plantes, parce qu’elles repoussent de nouveau, sur-tout si on commence le sarclage de bonne heure, & on y est forcé lorsque l’on a de grandes possessions & peu de travailleuses dont on puisse disposer à sa volonté. Il est encore un sarclage essentiel, peu de temps avant les moissons, & on ne doit y employer que des garçons, parce que les femmes, avec leurs jupes, coudent, cassent & couchent trop de tiges ; & encore faut-il que les enfans ne marchent pas, mais traînent leurs pieds pour avancer d’un espace à l’autre. Le but de ce sarclage est de se procurer des fromens nets, dépouillés de seigle, d’orge, de vesces, &c. Tous ces grains déprécient beaucoup la qualité du froment au yeux de l’acheteur dans le grenier, & il se sert de cette excuse pour diminuer sur le prix. Si c’est un boulanger, il n’y perdra rien, puisqu’il emploie le grain tel qu’il est, & qu’il ne diminuera pas le prix du pain. Les enfans, les femmes, lorsque les blés sont en herbe au premier printemps, distingueront difficilement le pied du seigle de celui du froment, &c. ; il faut donc, lorsqu’on veut avoir un blé pur, recourir à ce second sarclage.

Les auteurs qui regardent le sarclage comme inutile, ont raison dans un sens ; c’est lorsqu’avec la semence on n’a pas jeté en même temps des graines de plantes parasites, ou lorsqu’après une longue suite de travaux continués pendant plusieurs années, on est parvenu à détruire toutes les mauvaises herbes. Cependant, si on a répandu du fumier sur ces terres, comment se débarrasser des semences importunes que nécessairement il renferme ? Il ne peut, en agriculture, exister des loix générales sans de grandes modifications.