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par une seule opération, produire deux effets à la fois ; l’un de remuer la terre aux pieds des racines, & par conséquent procurer à la plante un labour avantageux, & l’autre, de détruire en même temps les mauvaises herbes. Quelques auteurs recommandent simplement d’arracher les mauvaises herbes avant que les blés commencent à monter en épi ; d’autres enfin regardent cette opération comme très-inutile.

Rien de plus aisé & rien de plus nécessaire que le sarclage des blés, si l’on a adopté la culture de M. Tull ; parce que les herbes les auroient bientôt dévorés, attendu que plus on a semé clair, & plus leurs graines ont de facilité à germer, à végéter, & si on a semé épais, après des labours sagement entendus & par une saison convenable, les blés étoufferont en grande partie les herbes, mais leurs racines se mangeront les unes & les autres. Il y a donc dans toutes les méthodes, même opposées, des inconvéniens ; cependant je préférerai toujours celles aux défauts desquelles il est possible de remédier, & le sarclage est un excellent moyen.

Les herbes sont vivaces, biennes ou annuelles ; on détruit facilement les premières avec peu de soins & des labours faits à propos, sur-tout si on ne leur donne pas le temps de grainer : le chiendent & le froment rampant sont exceptés de cette loi générale ; il en est ainsi de celles dont la durée est de deux ans. Il est plus difficile de détruire les plantes annuelles, parce que la graine des unes germe en février, d’autres en mars, en avril, en été, en automne, &c. ; de manière qu’un labour peut en détruire une espèce, & ne détruit pas celles qui naîtront dans les mois suivans ; souvent même elles ont germé, végété, mûri & séché d’un labour à l’autre. Il sembleroit résulter de ces généralités, qu’on ne devroit pas sarcler les blés : cette conséquence est fausse. Arracher les mauvaises plantes pendant que le blé est en herbe, avant qu’il pousse ses tiges, c’est favoriser l’accroissement du blé ; alors il talera beaucoup, ses feuilles s’étendront, couvriront le sol, & par conséquent étoufferont de leur ombre les plantes étrangères, dont la végétation ne sera pas aussi rapide que celle du blé, & dont le naturel ne leur permet pas de s’élever en même temps que le blé & aussi haut que lui. Les plantes légumineuses, telles que les pois, les vesce sauvages, sont une triste exception à cette loi. Leurs semences enfouies en terre, germent naturellement aux premières chaleurs du printemps, & à peu près à l’époque que le blé commence à monter en épi. Peu de jours après leur germination, elles s’élancent avec le blé, croissent & montent avec les tiges, auxquelles elles s’attachent ; enfin la graine mûrit & tombe avant que le moissonneur abatte le froment ; de manière que les voilà semées de nouveau pour l’année suivante, & peut-être pour deux ans après, si les labours les enterrent trop profondément, & qu’elles ne soient pas ensuite ramenées près de la superficie du sol. Cette inégalité de germination des plantes parasites suppose nécessairement plusieurs sarclages, & chacun a ses avantages & ses défauts. Si on sarcle par un temps sec, on casse la plante près du collet de la racine, on ne l’arrache point, & la plante repousse de nouveau. Si on sarcle par