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l’abondance des grains qu’il rapporte) suppléant au deffaut du laboureur, aussi tiennent auscuns que despartir la terre en sillons lorsqu’on l’ensemence, est commodité pour le respect de moissonner, où avec moins de frais se fait, ayant les moissonneurs leur besogne esgalement taillée, dont chacun est contraint d’employer sa journée sans fraude, que si à leur discrétion ils se la donnoient, ainsi qu’ils font ayant carte blanche sans limite de leur ouvrage : en quoi véritablement on a raison de brider la déloyauté des mercenaires. »

CHAPITRE VI.

Des soins après que le Grain est recouvert, et pendant qu’il est en herbe.

Section Première.

De l’écoulement des eaux, ou des sangsues, ou des saignées.

Pour peu que le sol du champ soit incliné, & sur-tout s’il est incliné inégalement, il est indispensable de pratiquer des sangsues ou petits fossés d’écoulement de distance en distance : c’est une opération de nécessité première, sans laquelle il faut se résoudre à voir la terre de son champ successivement entraînée dans la plaine, & c’est la raison pour laquelle il ne reste plus que le tuf, que la roche vive sur ces coteaux rapides où on a eu l’imprudence de détruire les bois qui les couvroient & d’en soumettre le sol à la culture du blé, lorsque la fureur des défrichemens (voyez ce mot) régnoit en France. La première attention à avoir est de détourner les eaux pluviales, le plus qu’il est possible, des endroits les plus inclinés ; la seconde, de ne pas craindre de multiplier les sangsues ; plus elles sont longues & en pente roide, plus il s’y rassemble d’eau, plus cette eau a de force & ressemble à un petit torrent qui creuse son lit & entraîne ses bords : la troisième, de tracer les sangsues sur une inclinaison de pente la plus légère, & la quatrième enfin, de varier chaque année le local des sangsues, c’est-à-dire, ne pas les tracer sur les mêmes endroits que les précédentes, parce qu’à la longue elles formeroient autant de ravins. Il est encore essentiel de ne les pas faire aboutir sur un terrain léger, travaillé, ni à pente trop rapide, à moins que ce ne soit sur un roc. Il faut, si on le peut, choisir un terrain chargé d’herbes ; si elles y sont touffues, si elles tapissent bien le sol, l’eau ne peut les entraîner ; elles conserveront le bord du champ, & y retiendront une partie de la terre. Peu de cultivateurs entendent l’art d’ouvrir des sangsues, parce que peu jugent sainement du niveau de pente, & leur donnent

    billons ; ce qui met le terrain de niveau. On croise & on recroise ensuite, de manière que la superficie du sol est plate. Ce sont les derniers travaux qui forment le billon, ainsi qu’il explique dans cet article, & on a l’attention d’établir le billon sur la partie qui auparavant étoit creuse, & la partie ci-devant billonnée devient la partie creuse. La superficie est ainsi successivement relevée & abaissée : c’est de cette manière que j’ai vu opérer. Le laps de temps n’a rien changé à la coutume aujourd’hui établie : on m’a assuré qu’on la suivoit de père en fils, & je le crois.