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mot) & j’en ai dit les raisons. Il vaut beaucoup mieux consacrer la première & même la seconde année à défoncer le sol, soit à bras d’hommes, soit avec les grandes charrues à versoir, afin de ramener la terre du dessous en dessus, & celle du dessus en dessous, à moins qu’on ne travaille sur un sol bon, fertile & profond, que l’éloignement oblige à convertir en bois. Comme de tels sacrifices sont rares, ce que je dis reste dans toute sa force, & nuls succès, ou succès très-médiocres, si on sème ou plante avant que la terre de petite qualité soit bénéficiée par les amendemens météoriques. (Voyez ce mot)

Si l’étendue qu’on désire planter est considérable, il convient, avant de défoncer le terrain, de tracer des routes pour le service de la forêt, de manière que si le terrain est en pente, elles servent de retenue aux eaux pluviales, vu que leurs bords sont autant de fossés d’écoulement : ainsi la même opération peut réunir plusieurs objets avantageux. Au moyen de ces routes on verra sans peine les endroits qui souffrent, ou qui ont souffert, & par conséquent les réparations qu’ils exigent. Si on craint la grande formation des ravines, veillez sur-tout pendant les premières années, parce que le sol n’est pas encore entrelacé d’un assez grand nombre de racines capables de retenir les terres entraînées par les grands lavages. Ces routes unissent l’utilité à l’agrément.

CHAPITRE III.

Des Semis & des Plantations.

Je ne répéterai pas ici ce qui est dit au mot Châtaignier, relativement à la manière de faire les semis & les plantations de cet arbre considéré comme forestier, parce que les opérations sont les mêmes pour ceux du chêne, &c. ; ainsi consultez ce mot.

Doit-on planter ou doit-on semer lorsqu’il s’agit d’une forêt ? Les plantations sont fort coûteuses ; elles supposent qu’on a en pépinière une assez grande quantité de jeunes pieds, ou qu’on a la facilité de les acheter. Balançons les avantages de l’une & de l’autre méthode. On jouit plutôt par la plantation que par le semis, c’est-à-dire, on croit jouir plutôt, parce qu’après huit ou dix ans les arbres ont pris de la consistance, la verdure sourit à nos yeux. Un semis de chêne, au contraire, à cette époque, est encore humble ; mais après quinze ou vingt ans, quels seront les arbres qui auront le mieux prospéré ? & après trente, quels sont ceux qui vaudront le mieux ? Il n’y a pas à balancer, ce seront ceux du semis. Je ne crains pas de dire que jamais pied, auquel on a coupé le pivot en le tirant de terre ou en le replantant, ne formera un tronc aussi droit, aussi beau, aussi majestueux que celui provenu du semis. Lafontaine a fort bien caractérisé ce dernier, en disant :

Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,
Et dont les pieds touchoient à l’empire des mort.

Vous aurez beau voir les plus belles pépinières, les plus faciles à travailler, vous ne ferez jamais entendre aux travailleurs de s’y prendre de loin en remuant la terre, afin de ne point endommager les racines, & en creusant profondément, afin de ne pas briser le pivot. J’admets que