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naturellement si sèches, seroient les plus fertiles ; car la chaleur du climat, le voisinage de la mer donnent à la végétation une activité surprenante.

Dans les provinces du centre du royaume, tempérées, & dans celles du nord, naturellement plus froides, il seroit dangereux d’ensevelir aussi profondément les semences, puisque la chaleur de la masse de la terre & celle de l’atmosphère ne sont pas aussi fortes pendant l’été & l’automne, & que les froidures d’hiver y sont plus précoces. Recouvrir de trois à quatre pouces les grains semés de bonne heure, est suffisant.

La manière de recouvrir varie suivant les provinces ; dans les unes, le dernier labour est fait à larges & profonds sillons, & dans les autres, les sillons sont moins profonds, parce qu’ils sont plus serrés. Après avoir semé, on passe la herse à une ou à plusieurs reprises. Dans quelques endroits, & sur-tout dans ceux où l’on laboure avec l’araire simple, c’est-à-dire, sans oreille, on recouvre en labourant de nouveau sur le semis avec la même araire ; quelques-autres labourent avec l’araire à oreille & recouvrent de même. Je n’ajouterai plus rien à ce sujet ; j’aime mieux laisser parler Olivier de Serres. Il est bon de remarquer qu’il écrivoit à Pradelles, situé dans les montagnes du Vivarais, sans quoi je paroîtrois être en contradiction avec l’auteur que je cite. Il faut donc seulement s’attacher aux généralités.

« La semence sera esparse le plus esgalement qu’on pourra, & couverte de terre seulement de deux à trois doigts, afin de la faire naistre & accroistre avec profit, plus ou moins de terre lui étant nuisible. Le bled inégalement semé ne peut naistre qu’inégalement ; c’est assavoir, espessement d’un côté & rarement de l’autre. D’où avient qu’en un endroit par trop pressé, ne peut s’avancer qu’en langueur ; en l’autre, les nuisibles herbes s’accroissent parmi, au vuide qu’elles y trouvent, le suffoquent ; & celui trop chargé de terre s’estouffe à cause de la pesanteur d’icelle, n’en pouvant sortir : ainsi voit-on telles inégalités préjudicier beaucoup à ce mesnage. Presque tous les mesnagers se déçoivent en cest endroit ; ceux-là seuls tenant la vraie méthode pour bien semer, qui couvrent leurs bleds à la herce, laquelle esgalement les espard en les fourrant dans terre à la proportion de ses chevilles, selon la longueur que vous leur aurés voulu donner, & trouvée propre à l’expérience. De fait il est raisonnable de confesser que la pluspart des semences se perdent dans la terre, veu qu’elles ne sont communément, mesmes èz bonnes terres, que cinquener ou sixener, au lieu que toutes semences venant à bien faudroient qu’elles rendissent cinquante ou soixante pour un, voire & davantage ; d’autant que d’un grain plusieurs espis viennent & que chaque espi produit plus de vingt grains[1], ainsi que cela se remarque occulai-

  1. Note de l’Éditeur. Lorsqu’un épi est complètement développé, fleuri, & qu’il n’a point souffert, il présente vingt fleurs sur chacune de ses faces, & une au sommet ; ce qui fait 81 fleurs ; mais la plupart des germes avortent pendant la formation de l’épi, ou du temps de la floraison.